Un employeur peut-il licencier un salarié en raison de ses absences répétées ou prolongées ?

Un employeur peut-il licencier un salarié en raison de ses absences répétées ou prolongées ?
Il arrive qu’un salarié soit arrêté de manière prolongée ou à de nombreuses reprises à la suite d’un accident de travail ou à un arrêt maladie. Ces absences sont ennuyeuses pour l’employeur, qui est contraint de réorganiser la répartition des tâches de ses équipes, et se retrouve face à l’imprévisibilité des absences du salarié.

Confronté à une telle situation, l’employeur peut être tenté de licencier le salarié et de le remplacer par un autre salarié qui faciliterait son travail. Pour autant, si vous êtes un employeur face à cette situation, vous devez savoir que l’organisation d’un licenciement pour le seul motif d’absences répétées ou prolongées d’un salarié, n’est pas suffisante pour justifier cette séparation. En effet, le droit du travail encadre strictement ce type de licenciement, et la jurisprudence en la matière tend à être particulièrement protectrice des droits des salariés.

Ainsi, pour qu’un licenciement en raison d’absences répétées ou prolongées d’un salarié soit justifié, il faut que ces absences aient perturbé l’organisation de l’entreprise. Nous le verrons plus tard. Afin de procéder valablement à ce type de licenciement, Maître Johan ZENOU, avocat en droit du travail à Paris 20ème, estime que l’employeur doit être conscient de ses conséquences et de ses risques (II), et avant tout, comprendre comment se caractérise le licenciement pour absences répétées ou prolongées du salarié (I).
 

I – Comment un employeur peut-il licencier un salarié en raison de ses absences prolongées ou répétées ?


Rappelons que comme tout licenciement, le licenciement pour absences prolongées ou répétées du salarié doit comporter un caractère réel et sérieux (article L1232-1 du Code du travail). Le licenciement d’un salarié pour absences répétées ou prolongées justifie d’un caractère réel et sérieux lorsque, les absences engendrent une désorganisation de l’entreprise (A) et contraignent l’employeur à procéder au remplacement du salarié absent (B).
 
  1. Les absences prolongées ou répétées du salarié doivent avoir engendrées la désorganisation de l’entreprise
La première condition de validité du présent motif de licenciement est la nécessité de désorganisation de l’entreprise en raison des absences répétées ou prolongées. Ces deux conditions doivent être réunies et mis côte à côte, sans quoi le licenciement n’est pas caractérisé. C’est ce que rappelle justement la Cour de cassation lorsqu’elle statue que : « l'absentéisme répété d'un salarié ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle n'entraîne pas une désorganisation de l’entreprise » (Cass. Soc., 19 décembre 1991, n° 91-40.966).

De plus, la perturbation doit concerner l’entreprise et non un seul service de l’entreprise. Ainsi, la lettre de licenciement vise une perturbation dans le fonctionnement du service juridique dans lequel travaille le salarié, et non de l’entreprise, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 1er février 2017, n°15-17.101). La désorganisation doit alors concerner l’ensemble de l’entreprise.

Récemment, avec le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire et la probable imposition du pass sanitaire pour certains salariés, nous prévoyons le refus de certains salariés de se faire vacciner ou de présenter un pass sanitaire. Pour remédier à cette difficulté, les législateurs ont prévu la suspension de ces salariés, or en cas de refus indéfinie (et donc prolongée) du salarié, nous imaginons bien que l’employeur ne pourra pas attendre aussi longtemps. Il devra à un moment donné se séparer de ses salariés. Dans cette hypothèse, l’employeur disposera de l’option de recourir au licenciement pour motif d’absence prolongée causant une désorganisation de l’entreprise.
 
  1. L’employeur doit avoir eu besoin de remplacer le salarié absent
La seconde condition de validité imposée par la Cour de cassation, pour le licenciement pour absences répétées ou prolongées du salarié est la nécessité pour l’employeur de remplacer ledit salarié. La définition de nécessité de remplacement s’est précisée au fil des décisions jurisprudentielles de la chambre sociale de la Cour de cassation. D’abord, le remplacement opéré par l’employeur pour combler les absences répétées du salarié doit avoir un caractère définitif (Cass. Soc., 13 mars 2001, n° 99-40.110). La nécessité du remplacement définitif n’est pas établie lorsque l’employeur :
 
  • Compense l’absence du salarié absent en réorganisant ses équipes de travail, notamment, en faisant effectuer le travail supplémentaire par d’autres salariés. La même solution est appliquée lorsque le remplacement se fait par un salarié provisoirement détaché du groupe auquel appartient l’employeur,
  • Fait effectuer la prestation de travail par un stagiaire, un salarié embauché en contrat à durée déterminée (CDD) ou en contrat d’intérim ou recourt à un prestataire de services.

Inversement, l’obligation de remplacement définitif est remplie lorsque l’employeur procède à une mutation interne pour occuper, le poste du salarié licencié et embauché un autre salarié en CDI pour occuper le poste nouvellement libre. Ensuite, le remplacement définitif doit prendre la forme d’une embauche d’un nouveau salarié en contrat à durée indéterminée (Cass. Soc., 5 juin 2001, n° 99-41.574) dont la base du volume horaire est au moins égale à celui effectué par le salarié licencié (Cass. Soc., 6 février 2008, n° 06-44.389).

Par ailleurs, cette embauche doit avoir un caractère effectif au moment au licenciement du salarié trop souvent absent, ou intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement (Cass. Soc., 16 septembre 2009, n° 08-41.879). Ce délai est souverainement apprécié par les juges, en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que les démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement. Les juges se placent à la date du licenciement et non à celle de la fin du préavis (Cass. Soc., 28 octobre 2009, n° 08-44.241).

A titre d’exemple, dans un arrêt en date du 24 mars 2021, la Cour de cassation a confirmé la solution de la Cour d’appel de Paris considérant qu’un délai de 6 mois était un délai raisonnable entre le licenciement d’une directrice absente de manière prolongée et son remplacement définitif (Cass. Soc., 24 mars 2021, n° 19-13.188).

Important : Lorsque l’absence prolongée ou l'absence répétée est la conséquence d’un harcèlement moral commis par un salarié ou l’employeur, celui-ci ne peut licencier le salarié pour perturbation de l’entreprise. Un tel licenciement est nul car fondé sur l’état de santé du salarié. Nous allons justement détailler les conséquences et enjeux du licenciement pour un employeur.

 

II – Quels sont les conséquences et enjeux pour un employeur du licenciement du salarié en raison d’absences répétées ou prolongées ?


Avant d’avoir recours à ce motif de licenciement, l’employeur doit être conscient d’une part des conséquences d’un licenciement (A), mais surtout des risques qu’il prend dans l’hypothèse où le salarié saisi le Conseil de prud’hommes (B).
 
  1. Quelles conséquences un employeur doit-il supporter à la suite d’un licenciement ?
Les conséquences supportées par l’employeur à la suite d’un licenciement d’un salarié sont essentiellement financières :
 
  1. Indemnités de licenciement
L’employeur est tenu de payer une indemnité de licenciement à son salarié, afin de réparer le préjudice subi par ce dernier en raison de la perte de son emploi. Pour pouvoir en bénéficier, le salarié doit justifier d’une ancienneté d’au moins 8 mois interrompu, et ne pas avoir été licencier pour faute grave ou faute lourde (article L.1234-9 du Code du travail). Le montant de cette indemnité est calculé à partir d’un salaire de référence, et de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, acquise au terme du préavis même s’il est dispensé de l’effectuer.
 
  1. Indemnités compensatrices de préavis
Lorsque le salarié n’exécute la période de préavis, sauf en cas de faute grave, il a le droit à une indemnité compensatrice de préavis (article L.1234-5 du Code du travail). Cette indemnité se cumule avec l’indemnité de licenciement et l’indemnité prévue si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
 
  1. Quelles risques l’employeur prend en licenciant un salarié pour absences répétées ou prolongées ?
Lorsqu’un employeur licencie un salarié, peu importe le motif, il prend le risque que l’intéressé saisisse le Conseil de prud’hommes pour contester le licenciement. Si la demande du salarié venait à aboutir, c’est-à-dire si les juges du fonds constatent que le licenciement, ne comporte pas de caractère réel et sérieux, l’employeur devra verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au salarié, au regard du barème Macron, à l’article L.1235-3 du Code du travail. Cette indemnité est fixée en fonction de l’ancienneté du salarié.

Le licenciement pour absences prolongées ou répétitives du salarié est dépourvu de caractère réel et sérieux, lorsque le salarié n’est pas remplacé (Cass. Soc., 27 janvier 2016, 14.10-084) ou lorsque la preuve d’une désorganisation de l’entreprise n’est pas apportée, et dans les cas où les absences du salarié résultent d’un manquement de l’employeur. Le licenciement peut également être déclaré nul (article L.1235-3-1 du Code du travail) lorsque les absences prolongées sont conséquence d’un harcèlement moral (Cass. Soc., 11 octobre 2006, n° 04.48-314) ou lorsque le Conseil de prud’hommes estime le licenciement discriminatoire en raison de l’état de santé du salarié.

C’est également le cas lorsque la dégradation de l’état de santé résulte d’un épuisement professionnel et d’un stress lié à une surcharge de travail, face auquel l’employeur s’est montrée défaillant dans son devoir de prévention, ne peut licencier un salarié en raison de son absence (Cass. Soc., 11 octobre 2006, n° 04.48-314).

Dans ce cas, le salarié peut être réintégré à l’entreprise, auquel cas, il aura le droit au versement des salaires dus entre son licenciement et sa réintégration. A défaut de réintégration, l’employeur devra verser une indemnité pour licenciement nul au salarié, qui ne peut être inférieur aux salaires des 6 derniers mois de salaire.

Employeur, vous souhaitez licencier un salarié pour absence prolongée ou répétée, mais vous n’êtes pas sûr que celui-ci soit valable ? Le Cabinet ZENOU, avocat en droit social à Paris 20ème défendant les intérêts des employeurs, examinera votre affaire et vous recommandera la meilleure stratégie à adopter. Il saura trouver une solution aux regards des besoins de votre entreprise.

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