Droit à la déconnexion des salariés : un enjeu clé pour préserver la santé et l'équilibre vie professionnelle/vie privée

Droit à la déconnexion des salariés : un enjeu clé pour préserver la santé et l'équilibre vie professionnelle/vie privée

Autrefois, les salariés rentrés chez eux ne travaillaient plus jusqu’au lendemain. Depuis l'avènement du télétravail et la généralisation des outils numériques, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle s'est largement estompée.

Aujourd’hui, il arrive que nos employeurs ou les professeurs de nos enfants envoient des mails bien après les horaires de travail ou d’école. Ces mails ne peuvent-ils pas attendre ?

Ne jamais faire de coupure peut poser un sérieux problème : l’absence de déconnexion.

C’est le nouveau phénomène 2.0 auquel les salariés sont confrontés.

Le droit à la déconnexion est en vigueur depuis le 1er janvier 2017 dans le Code du travail et permet de tendre à un véritable équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. C’est le droit des salariés à ne pas être soumis au flot incessant de mails et SMS d’origine professionnelle en dehors du temps de travail.

Il y a-t-il une limite aux intrusions du travail dans la sphère privée ? Les salariés ont depuis peu un droit à la déconnexion (I). La conciliation travail-vie privée reste encore imparfaite mais nécessaire (II), et étonnamment dans l’intérêt de l’employeur.

 

I – Le droit à la déconnexion des salariés : une conciliation vie professionnelle- vie privée encore imparfaite

 Aujourd’hui commence à se démocratiser la question de la santé mentale des salariés, et en particulier du burn-out.

Le burn-out, défini par l’OMS comme état de fatigue intense découlant du travail et qui entraîne une perte de contrôle et une incapacité à produire des résultats jugés satisfaisants, touche une un nombre très important de salariés.

En effet, l’Institut de veille sanitaire déclare 480 000 personnes en France concernées par un état de souffrance au travail. 2.5 millions d’actifs auraient présenté en 2023 un risque d’épuisement sévère selon le baromètre du cabinet Empreinte Humaine, et 3.2 millions de salariés seraient exposés à un risque de burn-out selon le Cabinet Technologia.

En ce sens, une réforme de 2017 inscrit au sein du Code du travail le septième alinéa de l’article L2242-17, et qui dispose que :

« Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, en vue d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d'accord, l'employeur élabore une charte, après avis du comité social et économique. Cette charte définit ces modalités de l'exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d'encadrement et de direction, d'actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »

Cet article permet en principe une distinction nette entre le temps de travail des salariés, et le temps restant, mêlant repos, vie de famille et/ou loisirs.

A la question sommes-nous obligés de répondre à notre employeur passées les heures de travail, la réponse est donc en principe non. Il en va de même lorsque nous sommes en congés ou arrêts de travail.

 Mais dans la pratique, la déconnexion ne semble pas aussi simple et tranchée.

En effet, les cadres peuvent être soumis au forfait jour, et donc non concernés par les horaires classiques de travail. Ils n’ont à priori aucune durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail.

Une étude de la CGT UGICT indique en ce sens que 76 % des cadres utilisent pour un usage professionnel les nouvelles technologies sur leur temps personnel. Or 69 % des cadres souhaiteraient selon cette même étude disposer d’un droit à la déconnexion effectif.

Il reste donc encore un décalage entre la loi depuis son entrée en vigueur et la réalité des faits, bien que l’article L2242-17 du Code du travail s’applique aux cadres en forfait jour.

De même, le télétravail bien que très populaire amène à se questionner sur l’étendue de la déconnexion, ce mode de travail consistant à « ramener son travail à la maison ». C’est alors à l’employeur de s’assurer que des dispositifs soient mis en place pour que les salariés puissent correctement distinguer vie privée/vie professionnelle, comme un ordinateur à usage professionnel pour ne citer que cet exemple.

Les horaires pendant lesquelles l’employeur contacte le salarié doivent d’ailleurs être identiques à ses horaires de bureaux.

Perdure la difficile déconnexion pour le personnel d’astreinte. En effet, l’astreinte est une période pendant laquelle un salarié doit rester joignable afin d’intervenir en cas de besoin, alors qu’il se trouve chez lui. La limite entre la vie professionnelle et personnelle est donc extrêmement fine, la déconnexion psychologique étant quasi-impossible dans ce cas de figure.

Il serait possible d’envisager des lois, prônant davantage la déconnexion, allant dans le sens de la protection de la santé mentale des salariés, qui seraient d’ailleurs urgentes pour les salariés frôlant le burn-out.

 

II- Une conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée nécessaire

 Parfaire l’équilibre vie professionnelle-vie privée améliorerait paradoxalement la productivité des salariés.

En effet, il est connu qu’un espace de travail optimisé accroît la motivation et donc la performance des salariés.

Un autre bienfait de cet équilibre serait une régulation de la charge mentale, du stress et de la sécurité des salariés au travail. Une véritable coupure permet dès lors aux salariés de se reposer et de mieux récupérer.

C’est donc le rôle de l’employeur de mettre en œuvre des pratiques allant dans le sens du droit à la déconnexion. L’exemple du blocage des e-mails en dehors des heures de travail, ou de la signature automatique indiquant le caractère non impératif d’une réponse immédiate illustrent cette mise en œuvre.

Il est aussi pertinent de sensibiliser les salariés afin de les prévenir de leurs droits. En effet, beaucoup seraient confrontés au phénomène de « tracances », c’est-à-dire travailleraient pendant leurs vacances.

Une récente étude menée par Deskeo indique que 47% des salariés consulteraient leurs e-mails professionnels « de temps en temps », ce qui signifierait que presque la moitié des salariés ne se déconnecteraient pas pendant leurs congés. Seulement 26% des salariés sondés ne liraient pas leurs e-mails en vacances. De plus, 24% des salariés travailleraient de temps en temps, ce qui créerait d’ailleurs de fortes tensions avec leurs proches pour 68% d’entre eux.  

Pour cause, les salariés accèdent aux mails de l’entreprise de leurs téléphones portables personnels.

C’est donc à l’employeur de permettre aux salariés d’avoir par exemple des outils de communication professionnels, qui resteraient matériellement dans les locaux.

Dans le cas où l’employeur ne respecterait pas le droit à la déconnexion des salariés, il se risquerait à une amende de 3 700€ et un an d’emprisonnement. (art. L.2243-1 et -2 c. trav.)

Les employeurs ne peuvent pas non plus pénaliser l’évolution de la carrière d’un salarié au seul motif qu’il ne prendrait pas en compte une sollicitation professionnelle hors de ses horaires de travail.

En réalité, les employeurs ont tout intérêt à respecter ce droit. Les salariés peuvent en effet assez facilement porter plainte pour harcèlement moral et demander à être payés pour les heures supplémentaires réalisées lorsque leur droit à la déconnexion n’était pas respecté ou même initié une action devant le Conseil de prud'hommes en violation de l'obligation de sécurité de résultat et ainsi solliciter des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice.

  

Dans le cas où votre droit à la déconnexion ne serait pas respecté par votre employeur, le Cabinet de Maître Zenou, expert en droit du travail dans le XXème se met à votre disposition pour tout conseil et procédure.

 

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