Les cadres dirigeants occupent une position clé au sein des entreprises, bénéficiant souvent d’une grande autonomie dans la prise de décisions stratégiques. Toutefois, ce statut particulier est également encadré par des obligations légales et des responsabilités spécifiques. Il convient de rappeler que les cadres dirigeants restent salariés de l’entreprise en vertu de leur contrat de travail, puisque l’existence d’un contrat de travail implique un lien de subordination juridique entre l’employeur et son salarié.
A ce titre, l’employeur dispose de la faculté de donner des directives et de contrôler et de sanctionner le travail de son salarié en cas de manquement de ce dernier. Or ce statut vient à contrepied de la qualification de cadre dirigeant qui suppose la présence de responsabilités importantes dans l’exercice de sa fonction impliquant une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps et notamment la direction de l’entreprise qui suppose la prise de décisions stratégiques pour la société.
Maître Johan Zenou expert en droit du travail aborde dans cet article, la définition juridique d’un cadre dirigeant (1), le contrat de travail et les dispositions spécifiques inhérents à ce statut (2), puis les obligations et responsabilités (3), enfin et pour finir la différence entre cadre dirigeant et cadre supérieur (4).
D’après l'article L. 3111-2 du Code du travail, seuls sont concernés « les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».
Aux termes de l'article L. 3111-2, les trois conditions suivantes doivent être simultanément remplies :
– avoir des responsabilités importantes impliquant une large indépendance dans l'organisation de son temps de travail ;
– être habilité à prendre des décisions de manière « largement autonome » ;
– percevoir l'une des rémunérations « se situant dans les niveaux les plus élevées des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou l'établissement ».
Attention néanmoins, la Cour de cassation a rajouté une quatrième condition, qui n'est que la conséquence des trois autres : diriger l'entreprise (Cass. soc., 31 janv. 2012, no 10-24.412 ; Cass. soc., 2 juill. 2014, no 12-19.759 ; Cass. soc., 22 oct. 2015 no 14-22.535 ; Cass. soc., 18 nov. 2015, no 14-17.590 ; Cass. soc., 25 nov. 2015, no 14-10.529).
L’appréciation se fait in concreto (au cas par cas) en fonction de l'autonomie de décision dans son domaine de responsabilité, de la liberté de gestion de son temps de travail, ou même du niveau de la rémunération qui, rappelons-le, ne sont le privilège exclusif des cadres de direction.
Les cadres dirigeants sont souvent soumis à des contrats de travail spécifiques, qui peuvent inclure des clauses particulières en matière de rémunération, de conditions de travail et de clause de non-concurrence.
Bon à savoir : le Code du travail ne conditionne pas l'application du statut de cadre dirigeant à la conclusion d'une convention individuelle ou d'un avenant au contrat de travail tels que les forfaits en jours ou en heures.
Ce qui sera pris en considération comme critères d’application déterminant du statut cadre est le niveau d’autonomie et de responsabilité ainsi que la rémunération élevée. A noter également que les juges doivent vérifier si au regard des conditions réelles d’activité et de rémunération du salarié, celui-ci réunit les conditions posées pour répondre à la qualification de cadre dirigeant. (Voir en ce sens Cass, soc, 12 décembre 2012, n°11-20.726). Par ailleurs, du fait de leur statut de cadre, ces derniers ne sont pas soumis à la réglementation relative au temps de travail.
Selon l'article L. 3111-2 du Code du travail, ils ne sont en effet pas soumis aux dispositions des titres II et III du livre 1er de la partie 3 du Code du travail, relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires ainsi qu'à celles relatives aux repos et jours fériés.
Ils ne sont dès lors pas soumis à la réglementation relative :
– aux heures supplémentaires ;
– aux durées maximales journalière et hebdomadaire de travail ;
– aux pauses ;
– aux repos journalier et hebdomadaire ;
– au travail de nuit ;
– aux jours fériés ;
– aux astreintes.
S’agissant pour finir de la législation concernant la durée du travail, ils ne sont soumis qu’à la législation sur les congés payés, les congés pour évènements familiaux, le repos des femmes en congé maternité et enfin le compte épargne temps.
Rappel juridique : L’employeur est tenu de veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés y compris les cadres dirigeants conformément à l’article L4121-1 du Code du travail. Ainsi, l’employeur devra veiller à ne pas faire travailler les dirigeants de manière déraisonnable en leur laissant la possibilité au droit à la déconnexion et en respectant l’équilibre vie professionnelle/vie privée (Voir en ce sens : Dir. no 93/104/CE, 23 nov. 1993 ; Dir. no 2003/88/CE, 4 nov. 2003).
En tant que membres de la direction, les cadres dirigeants ont des obligations envers l’entreprise et ses actionnaires. Cela inclut la gestion prudente des ressources de l’entreprise, la prise de décisions dans l’intérêt de la société et le respect des lois et réglementations en vigueur. En cas de manquements à ces obligations, les cadres dirigeants peuvent être tenus pour responsables et faire l’objet de sanctions pénales ou civiles.
A noter : En leur qualité de membres de la direction, les cadres dirigeants peuvent être soumis à une délégation de pouvoir. La délégation de pouvoir est un acte juridique par lequel le délégant (chef d'entreprise) se dessaisit d'une partie de ses pouvoirs à un délégataire (salarié).
Il est admis que les cadres dirigeants (chefs d'établissement, directeurs, gérants) sont susceptibles d'être reconnus pénalement responsables en cas d'inobservation des règles applicables en matière de santé et de sécurité. Il a été jugé que la position de cadre dirigeant peut emporter délégation de pouvoir pour faire effectuer les travaux nécessaires en matière de sécurité que ce cadre ait reçu ou non délégation en ce sens. (Cass, soc., 20 octobre 2009, n°08-42.141)
Attention pour être valable, la jurisprudence de la Cour de cassation exige que le délégataire doive obtenir des indications suffisamment précises sur le contenu de la délégation (prérogatives) et sur les conséquences de celle-ci (nature et étendue des responsabilités). La Cour de cassation insiste d'ailleurs sur la nécessité d'informer le délégataire sur les conséquences pénales de la délégation (Cass. crim., 4 juin 1951 ; Cass. crim., 27 févr. 1957, no 1824/56).
Il ne faut pas confondre le statut de cadre dirigeant avec celui de cadre supérieur. Pour rappel, selon le rapporteur à l'Assemblée nationale, les cadres dirigeants sont des « salariés qui ont un rôle de quasi-employeur » et le représentent souvent en matière sociale ou autre. Ainsi, il est loisible au cadre dirigeant par exemple de présider le comité social et économique à la place de l'employeur. Il assume la responsabilité pénale. Il s'agit de personnes se situant dans le premier cercle concentrique de pouvoir entourant l'employeur.
Rappelons à ce titre que le cadre supérieur ne dispose d’aucune prérogative concernant sa responsabilité pénale, il est un salarié qui agit au nom et pour le compte de son employeur et reste soumis à un lien de subordination.
Il a été jugé par la Cour de cassation, chambre sociale du 31 janvier 2012, Pourvoi nº 10-24.412 que : « Et attendu qu'ayant relevé que la salariée, bien que disposant d'une grande autonomie dans l'organisation de son travail nécessitée par son haut niveau de responsabilité dans l'élaboration de la collection homme et étant classée au coefficient le plus élevé de la convention collective, ne participait pas à la direction de l'entreprise, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ».
On peut donc en déduire qu’un cadre supérieur n’est pas forcément un cadre dirigeant car il ne prend pas automatiquement part à la direction de l’entreprise comme le rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation avec sa quatrième condition.
Il se peut que lorsque l’exécution du contrat du travail, le cadre dirigeant fasse l’objet d’un licenciement ou conteste son statut pour diverses raisons et notamment l’absence de direction de la société. Dans cette hypothèse, il sera possible soit de contester son licenciement soit de solliciter la requalification du statut de cadre dirigeant en cadre supérieur devant le Conseil de prud’hommes et notamment la section encadrement qui est compétente pour trancher le litige.
Il sera possible de solliciter le rappel d’heures supplémentaires, de repos compensateur, un burn-out (épuisement professionnel), dénoncer un harcèlement, ou une discrimination liée à l’âge… Du fait de leur position stratégiques dans la société, l’employeur accordera une importance particulière à l’obligation de loyauté du fait des informations confidentielles et sensibles qu’ils peuvent détenir durant l’exécution de leur contrat de travail.
C’est la raison pour laquelle une transaction est souvent privilégiée afin de négocier la rupture du cadre et éviter ainsi un contentieux qui pourrait se révéler nuisible et écorner l’image de l’employeur.
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