Le Conseil des prud’hommes : un engorgement dans les délais de la justice ?

Le Conseil des prud’hommes : un engorgement dans les délais de la justice ?
Les états généraux de la justice qui se sont tenus durant l’été 2022, dresse un constat sans appel, la justice du travail est « au bord de la rupture » et une réforme des concernant les juridictions prud’hommales est nécessaire.
Par ailleurs une enquête publié par le Senat sur les délais de la justice prud’homale quelques années plus tôt venait déjà confirmer ce constat. En effet, les délais de jugement varient fortement d’une ville à l’autre et sont dans la plupart des cas anormalement long. Il ressort de cette étude que la durée moyenne des affaires terminées devant les CPH (hors référés) est de de 16,3 mois, soit un délai nettement supérieur aux autres juridictions civiles de premier ressort.
 
En parallèle, l’interrogation le plus souvent posé par le justiciable, est celle de savoir combien de temps va durer la procédure ? D’autant plus lorsqu’il s’agit d’une procédure devant le Conseil de prud’hommes, le salarié étant dans la plupart des cas privé de son emploi. Maître Johan Zenou expert en droit social répond à vos questions sur les délais d’audiencement du Conseil des prud’hommes et les possibilités de recours.
 

Le Conseil de prud’hommes c’est quoi ?


Le Conseil de prud’hommes est une juridiction, c’est-à-dire un type de tribunal spécifique réglant des procédures particulières concernant certains individus. Le « Conseil de prud’hommes »  instruit les litiges liés aux contrats de travail qui peuvent opposer un salarié et un employeur.

À savoir : Il est possible de saisir les Prud’hommes pour contester un licenciement pour faute grave, cependant si vous êtes menacé de mort par votre employeur il vous faudra saisir le Tribunal correctionnel.
 
Pour résumé, le Conseil de prud’hommes est la juridiction compétente pour les litiges individuels entre employeurs et salariés au sujet du contrat de travail, lors de la rupture du contrat ou pendant la relation de travail. Par ailleurs, celui-ci est composé d'un nombre égal de représentants des salariés et d'employeurs élus comme en dispose l’article L1421-1 du Code du travail.
 
I. Comment le saisir le Conseil de prud’hommes ?
 
La saisine du Conseil de prud’hommes est gratuite et peut se faire par courrier ou directement sur place comme en dispose l’article R1452-1 du Code du travail. La saisine du conseil par courrier consiste dans une requête adressée au greffe du Conseil de prud’hommes compétent géographiquement. Ce sera donc le Conseil de prud’hommes du lieu où le salarié travaille, sauf s’il travaille chez lui et dans ce cas le conseil compétent sera celui du lieu où est situé son domicile comme en dispose l’article R1412-1 du Code du travail. La requête est une demande écrite dans laquelle figurent les coordonnées du salarié et de l’employeur, l’objet et les motifs de la demande (litige concerné, sommes demandées, etc), et enfin toutes les preuves et pièces que le demandeur souhaite utiliser pendant la procédure devant le Conseil de prud’hommes.

II. Quels sont les délais d’audiencement du Conseil des prud’hommes ?
 
1ère étape : Le bureau de conciliation et d'orientation (BCO)
 
Dès la saisie du Conseil de prud’hommes votre avocat obtient une date pour l’audience de conciliation. Le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) du Conseil de prud'hommes incite les parties en conflit à trouver un accord mettant fin au litige comme en dispose l’article L1454-1 du Code du travail.
 
Durant la séance, chaque partie apporte ses explications. La séance de conciliation n'est pas ouverte au public. Chaque partie peut, si elle le souhaite, être assistée être représentée par une personne habilitée. Si le salarié accepte le versement d'une indemnité forfaitaire de conciliation, le litige prend fin. Lorsqu'une partie est absente et qu'elle n'est pas représentée, le BCO peut directement juger le litige.
 
Les délais de saisine du BCO sont relativement court, en effet d’après les chiffres clés de la justice pour 2022 le délai moyen pour obtenir un rendez-vous devant le (BCO) est de 4 à 6 mois. En outre, il ressort de l’enquête réalisée par le Sénat que ce délai relativement court de saisine du BCO entrainerait trop souvent un échec de la conciliation. Le défendeur n’ayant dans la plupart du temps pas eu l'occasion de communiquer ses arguments.
 
En cas d’échec de la conciliation le bureau est responsable de la mise en état jusqu’à la date de l’audience. Il résulte de l’article R.1454-1 du Code du travail qu’en cas d’échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d’orientation assure la mise en état de l’affaire jusqu’à la date qu’il fixe pour l’audience de jugement.
 
 
2ème étape : l’audience de jugement devant le Conseil de prud’hommes
 
Après, la séance devant le BCO, si celle-ci s’avère être un échec alors le BCO est dans l’obligation de communiquer aux parties une date de jugement devant le Conseil de prud’hommes. C’est à ce moment-là que les délais de justice deviennent anormalement long. Les statistiques agrégées au niveau national masquent des réalités très différentes d'un Conseil de prud’hommes à l'autre, puisque la durée moyenne des affaires terminées variait en 2017 de 4,9 à 35,9 mois.
 
Les Conseils de prud’hommes ayant des délais courts sont généralement ceux, de petite taille, qui enregistrent peu d'affaires nouvelles, certains relativement peu sollicités ne parviennent néanmoins pas à traiter ces affaires dans des délais inférieurs à 12, voire 20 mois. Les chiffres les plus récents du délai d’audiencement du Conseil de prud’hommes sont issus des chiffres clés de la justice pour 2022 :

 
  • Conseil de prud’hommes de Nanterre : 25,2 mois en moyenne
  • Conseil de prud’hommes de Créteil :  24,9 mois en moyenne
  • Conseil de prud’hommes de Meaux : 24,1 mois en moyenne
  • Conseil de prud’hommes de Paris : 20 mois en moyenne

Cette disparité, est d’autant plus forte avec les Conseils prud’homaux en province, avec un délai d’audiencement de 6,1 mois pour Soisson. En réalité, il n’est pas possible de donner véritablement de délai d’audiencement pour une affaire relevant du Conseil des prud’hommes, cependant une estimation peut être faite par votre avocat en fonction des tribunaux qu’ils côtoient habituellement.

 
Premier exemple : Un justiciable qui saisit au 1er février 2023 le Conseil de prud’hommes de Nanterre, pourra se voir être reçu par le BCO entre les mois de mai et juin 2023, si aucune conciliation n’est trouvée alors celui-ci pourra voir son affaire être jugée par le Conseil de prud’hommes de Nanterre entre les mois de mai et juin 2025 en moyenne.
 
Deuxième exemple : Un justiciable qui saisit au 1er février 2023 le Conseil de prud’hommes de Paris, pourra se voir être reçu par le BCO entre les mois de mai et juin 2023, si aucune conciliation n’est trouvée alors celui-ci pourra voir son affaire être jugée par le Conseil de prud’hommes de Paris entre les mois de janvier et février 2024 en moyenne.
 
Bon à savoir : Les délais étant approximatifs sous réserve des reports d’audiences et du traitement des juridictions.

 
III. Quel responsabilité de l’État dans ce délai d’audiencement ?
 
Selon l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire, l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, sa responsabilité n’étant engagée que par une faute lourde, constituée par une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, ou par un déni de justice. Aux termes de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial. Il ressort, de l’ensemble des textes en vigueur, que le délai de fixation moyen à l’audience du Conseil de prud’hommes en formation  de 16,1 mois en moyenne ne respecte pas le délai raisonnable imposé par les textes de lois.

Rappel juridique : Dans une série de 16 décisions le Tribunal de grande instance de Paris le 18 janvier 2012, à engager la responsabilité de l’État dans le fonctionnement des Conseils prud’homaux de Nanterre et de Longjumeau. (Arrêt CEDH 14 nov. 2000, Delgado c./France, n° 38437-97)

Ainsi le salarié à la possibilité d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi par le délai d’audiencement anormalement long. Pour se faire le justiciable devra saisir le Tribunal Judiciaire. Par ailleurs, seul le préjudice subi par le justiciable en raison du délai de la procédure en justice sera indemnisé.
 
En pratique, les juridictions accordent des indemnisations moyennes comprises entre 2.000 et 5.000 euros en fonction de chaque situation. La procédure prud'homale nécessitera obligatoirement l’assistance d’un avocat mais les honoraires de l’Avocat peuvent être indemnisés par la juridiction sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
 
Vous avez intenté une action en justice devant le Conseil de prud’hommes et les délais d’audiencement anormalement long vous cause des préjudices, le Cabinet Zenou expert en droit du travail à Paris 20ème arrondissement saura vous accompagner afin d’engager une procédure d’indemnisation.

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