Comment bien réussir la négociation de sa rupture conventionnelle ?

Comment bien réussir la négociation de sa rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle individuelle apparait comme l’une des facultés de rupture du contrat de travail, permettant à l’employeur et au salarié titulaire d’un CDI de convenir d’un commun accord, des conditions de la rupture du contrat de travail les liant (Article L1237-11 à Article L1237-16 du Code du travail). A la différence d’un licenciement ou d’une démission, la rupture conventionnelle du contrat de travail ne peut être imposée par l’une, ou l’autre des parties. Introduite par la loi du marché du travail en 2008, ce mode de rupture du contrat de travail est avantageux, aussi bien pour l’entreprise de part la réduction des risques de contestations, que pour le salarié au regard des garanties qui lui sont ouvertes, en ce qu’il lui ouvre le droit au bénéfice de l’allocation d’assurance chômage et d’indemnités de rupture.
 
Comment négocier une rupture conventionnelle du contrat de travail ? Le Cabinet ZENOU, d’avocat expert en droit du travail à Paris 20ème, vous délivre les informations essentielles, que vous devez avoir à l’esprit si vous envisagez de négocier une rupture conventionnelle de votre contrat de travail avec votre employeur.
 
Il est important de connaitre tout d’abord les conditions dans lesquelles la négociation d’une rupture conventionnelle du contrat de travail peut être envisagée (I) avant d’en connaitre les différentes étapes (II) et enfin, les différents droits dont vous pouvez disposer à l’issu de cette dernière (III).

 
I. Quelles sont les conditions pour que la négociation d’une rupture conventionnelle soit envisageable ?

 
  1. La négociation d’une rupture conventionnelle doit résulter d’un consentement mutuel
 
La négociation d’une rupture conventionnelle ne peut être conclue que lorsque le salarié, et l’employeur conviennent d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail. Il faut donc que la signature de la convention résulte d’un consentement mutuel entre les deux parties. Le recours à la négociation d’une rupture conventionnelle semble risquée, lorsque le salarié a préalablement été convoqué à un entretien préalable dans la perspective d’un licenciement. En effet, d’après la jurisprudence de la Cour de cassation, une rupture amiable ne peut intervenir qu’en l’absence de litige entre les parties (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 31 octobre 2007, 06-43.570) afin que le consentement du salarié soit clair et non équivoque. La Cour de cassation considère que ce n’est pas le cas lorsque la négociation d’une rupture conventionnelle du contrat de travail, fait suite à une convocation du salarié pour un entretien préalable à un licenciement pour faute grave (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 6 mai 1998, 96-40.610).

Par ailleurs, la Cour de cassation est ferme sur ce sujet en prohibant les ruptures amiables intervenant après la notification d’un licenciement (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 19 décembre 2000, 99-40.020). Il apparait que la rupture conventionnelle doit être librement consentie par les parties (Article L1237-11 Code du travail). Pour autant, l’existence au moment de la conclusion de la convention d’un contexte conflictuel, ou d’un différend entre les parties n'affecte pas, par elle-même la validité de la convention de rupture (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-13.865).

Ainsi, la convention ne sera donc pas annulée sur le seul constat de l’existence d’un litige entre les parties au moment de sa signature, s’il apparait que le consentement du salarié a néanmoins été donné de façon libre et éclairé, sans pression de la part de son employeur (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juillet 2013, 12-19.268). La convention sera en revanche annulée si le salarié démontre, que le différend s’est accompagné de pressions ou de contraintes ayant vicié son consentement.
 
 
  1. La négociation d’une rupture conventionnelle est possible en cas de difficultés économiques
 
Le fait que l’entreprise connaisse des difficultés économiques, n’est pas un obstacle à la négociation d’une rupture conventionnelle avec un salarié. Une telle rupture résulte de la seule volonté des parties au contrat de travail, sans qu’il y ait lieu de rechercher la motivation de l’employeur. Pour autant, la rupture conventionnelle ne doit pas être utilisée par l’employeur comme un moyen de contourner les règles applicables aux licenciements économiques, et de priver les salariés des garanties qu’elles comportent. De ce fait, lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un plan de suppression d’emplois pour motif économique, les ruptures conventionnelles constituent l’une des modalités du processus de réduction des effectifs.
 
Remarque : L’intégration de la rupture conventionnelle dans la procédure de licenciement pour motif économique, n’affecte en rien leur qualification juridique : elles restent exclues des règles applicables aux licenciement économiques. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer les dispositions relatives à l’entretien préalable, à la notification et à la motivation du licenciement, à l’obligation de préavis et la cause de rupture, sauf fraude ou vice du consentement (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 février 2012, 10-27.176).
 
 

II. Quelles sont les différentes étapes à respecter pour la négociation d’une rupture conventionnelle ?

 
  1. L’entretien préalable
 
Afin d’éviter tout consentement vicié, la loi laisse du temps à la négociation. La signature de la convention de rupture doit être précédée d’au moins un entretien entre les parties (Article L1237-12 Code du travail). En pratique, plusieurs entretiens leur seront nécessaires pour s’accorder, sur le principe même de la rupture et sur les modalités de celle-ci. Aucun formalisme particulier n’est imposé pour lancer ces négociations. Le salarié peut solliciter une entrevue dans cette perspective par mail, courrier ou même oralement. La direction peut également initier ces pourparlers en toute occasion et sous n’importe quelle forme.

Bon à savoir : L’écrit est conseillé afin de garder une trace de l’invitation à négocier ou de la réponse qu’on y a apportée. Le courrier mentionnera, outre la date et le lieu de l’entretien, la possibilité qu’à le salarié de se faire assister lors de ce rendez-vous. Celui-ci peut se faire assister :
 
  • Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou de tout autre salarié ;
  • Soit en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller choisi sur une liste dressée par l’administration. (Article L1237-12 Code du travail)
 
  • Concernant le conseiller du salarié, celui-ci dispose d’une compétence territoriale s’étendant à l’ensemble du territoire du département, dans lequel il est nommé (celui-ci est inscrit sur une liste à caractère départemental et tenue à la disposition du public dans toutes les mairies du département). Le conseiller n’est pas habilité à exercer sa mission d’assistance au-delà des frontières du département auquel il est rattaché, y compris dans un département limitrophe. Ainsi, il reviendra au salarié convoqué à un entretien préalable avec son employeur, de faire appel à un conseiller inscrit sur la liste du même département où se déroule l’entretien préalable (le plus souvent sur le lieu de travail). Lorsqu’un salarié est convoqué à un entretien préalable qui a lieu dans un autre département, que celui où il travaille habituellement il doit alors faire appel à un conseiller inscrit sur la liste établie pour le département de son choix..
 
Le salarié souhaitant se faire assister doit informer auparavant son employeur. L'employeur peut également se faire assister par une personne, appartenant au personnel de l'entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, ou encore par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs, ou par un autre employeur relevant de la même branche (Article L1237-12 Code du travail).
 
 
  1. La matérialisation de la convention de rupture
 
A l’issue de leurs entretiens, les parties doivent conclure une convention de rupture écrite (Article L1237-13 Code du travail). La convention de rupture doit être signée et datée, par l’employeur et le salarié. La date de la rupture ne pourra pas intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention par l’autorité administrative.

Attention : Le défaut de signature de l’employeur sur la convention conduit à son annulation (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juillet 2019, 17-14.232), il s’agit d’une formalité substantielle. Une fois la convention signée, il conviendra pour l’employeur de remettre un exemplaire de la convention au salarié. A défaut d’y procéder, le salarié pourra demander la nullité de la convention, laquelle produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-27.000).

Il n’existe pas de présomption de remise du document au salarié (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juillet 2019, 18-14.414). Pour se constituer une preuve en cas de litige, il est alors conseillé de lui faire signer un récépissé de remise, ou de veiller à ce que ce dernier appose, dans la convention, une mention expresse selon laquelle « un exemplaire lui est remis ce jour ». Cette convention doit impérativement préciser le montant de l’indemnité de rupture versée au salarié, qui doit être d’un montant au moins équivalent à l’indemnité légale de licenciement (Article L1237-13 Code du travail).

Conformément aux dispositions de l’Article L1237-13 du Code du travail, chaque partie dispose à compter de la signature de la convention de rupture, d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires, qui peut être exercé sous quelque forme que ce soit : lettre recommandée avec accusé de réception, lettre simple ou mail. Il faut se placer à la date d’envoi du courrier de rétractation pour vérifier, si le délai est respecté  peu importe sa date de réception (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 juin 2019, 18-22.897).
 
 
  1. L’homologation de la convention de rupture
 
La validité de la rupture conventionnelle est subordonnée à son homologation. (Article L1237-14 Code du travail). La rupture ne peut intervenir que le lendemain de celle-ci. L’employeur ou le salarié doit adresser, au Dreets compétent, et ce, à compter du lendemain de l’expiration du délai de rétractation, un dossier unique incluant une demande d’homologation et un exemplaire signé de la convention de rupture. Dès réception, et pour autant que le dossier soit complet, le Dreets horodate la demande d’homologation et adresse au dépositaire un accusé de réception.

A compter de la réception de la demande, l’administration dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour s’assurer de la validité de la rupture conventionnelle (Article L1237-14 al 2 Code du travail). Le Dreets devra notamment vérifier :
 
  • Les informations relatives aux parties,
  • L’ancienneté du salarié calculée en années et en mois à la date présumée de la rupture,
  • Les éléments de rémunération (12 derniers mois de salaire brut),
  • La tenue d'au moins un entretien,
  • Les conditions d'assistance et, le cas échéant, identité et qualité des assistants,
  • La date envisagée de la rupture du contrat de travail,
  • Le droit de rétractation.
 
En cas de demande déposée séparément par l’employeur et le salarié, le délai d’instruction court à compter de la réception de la première demande. A défaut de notification d’irrecevabilité de la demande ou d’un refus avant l’expiration de ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie. En cas de refus d’homologation, le Dreets informe l’employeur et le salarié dans les 15 jours suivants la réception de la demande.
 
Que faire en cas de refus d’homologation par le Dreets ?
 
Le refus d’homologation par le Dreets peut être contesté devant le Conseil de prud’hommes, dans un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation ou du refus d’homologation. Au-delà de ce délai, le recours sera irrecevable.
 

III. Quelles sont les différents droits accordés au salarié à l’issue de la négociation d’une rupture conventionnelle ?

 
  1. Le droit à une indemnité de rupture
 
Comme mentionné précédemment, en tant que salarié, vous avez le droit de percevoir une « indemnité spécifique de rupture conventionnelle », prévu à l’Article L1234-9 du Code du travail, dont le montant, éventuellement négocié avec l’employeur, ne peut être inférieur au montant de l’indemnité légale de licenciement.

En vertu de l’ Article R1234-2 du Code du travail, L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
 
  • Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
  • Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Le salarié, peut également bénéficier des allocations d’assurance chômage dans les conditions de droit commun prévu à l’ Article L5421-1 du Code du travail.

Vous avez négocié une rupture conventionnelle avec votre employeur, mais vous le soupçonnez d’avoir eu recours à ce mode de rupture, pour contourner les règles d’un licenciement économique ? Vous souhaitez requalifier cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Maitre ZENOU, avocat en droit social à Paris 20ème, met son expertise afin de vous prodiguer des conseils concrets et personnalisés au regard de votre situation.

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