L'encadrement juridique de la contre-visite médicale en entreprise

L'encadrement juridique de la contre-visite médicale en entreprise

Le fonctionnement d’une entreprise peut être altéré par différents événements dont la maladie. En effet, le nombre d’arrêts de travail pour maladie ne cesse d’augmenter : il s’élevait à 6,4 millions en 2012, contre 8,8 millions en 2021. Il est alors possible qu’un employeur ait des doutes quant à la réalité de l’état de santé de l’un de ses salariés en arrêt de travail. C’est la raison pour laquelle, le législateur avait ouvert la porte à la pratique de la contre-visite médicale à l’initiative de l’employeur, par une loi du 19 janvier 1978. Ce droit, pour les employeurs, est une contrepartie de leur obligation de versement des indemnités complémentaires. Mais il est parfois difficile pour un employeur de savoir à quel moment, comment et quelles sont les conséquences du déclenchement de cette procédure. C’est pourquoi demander l’aide d’un avocat défense de l'employeur est souvent recommandée.

Maître Johan Zenou expert en droit du travail à Paris 20ème vous propose le sujet, dans l’article qui suit, afin de vous éclairer sur la procédure à suivre (I) ainsi que sur les conséquences de cette dernière (II). Il est néanmoins important de savoir que le salarié dispose du droit de contester les conclusions du médecin contrôleur (III).

I. La contre-visite médicale à l’initiative de l’employeur

Définition de la contre-visite médicale

Lorsque votre salarié est en arrêt de travail pour maladie, il ne va pas percevoir son salaire en tant que tel mais des indemnités journalières de sécurité sociale qui seront versées par le régime général de sécurité sociale. Indemnités qui seront complétées par le complément employeur au-delà d’un certain délai de carence selon l’article L1226-1 du Code du travail. Autrement dit, l’indemnisation complémentaire commence au 7ème jour de carence sauf disposition conventionnelle plus favorable. Par conséquent, vous devrez lui verser les indemnités complémentaires au 8ème jour de son arrêt maladie. Cependant, si votre salarié est en arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident de travail, ce délai de carence ne s’applique pas. Et vous êtes dans l’obligation de lui verser cette indemnité complémentaire dès le premier jour de son arrêt de travail.

La contre-visite médicale est donc une contrepartie du versement de cette indemnité complémentaire. C'est-à-dire que c’est bien le versement de cette indemnité complémentaire qui va justifier que vous puissiez engager un médecin contrôleur pour réaliser une contre-visite médicale. La contre-visite médicale peut donc être utilisée à partir du moment où vous doutez, de la réalité de la dégradation de l’état de santé de votre salarié eu égard à certains comportements de votre salarié, que vous aurez vous-même constaté ou qui vous aurait été relaté par un tiers.

La procédure de la contre-visite médicale

Comme dit précédemment, la pratique de la contre-visite médicale est une contrepartie du versement du complément employeur. Elle est donc possible dès lors que votre salarié est en arrêt de travail pour maladie pour une période de plus de 8 jours. Autrement dit, en cas de maladie de droit commun, sauf disposition conventionnelle plus favorable, vous ne pourrez demander cette contrevisite médicale qu’à partir du 8ème jour d’arrêt de travail et non avant. Il convient alors de vérifier les conditions de versement du complément employeur présentes dans la convention collective à laquelle vous êtes rattaché.

Si vous prenez la décision d’avoir recours à la procédure de la contre-visite médicale, vous devrez alors mandater un médecin contrôleur. Vous êtes libre quant au choix de ce dernier, cependant il ne peut être connu du salarié. Vous l’aurez compris le médecin contrôleur ne peut pas être le médecin traitant du salarié. Il ne peut pas s’agir non plus du médecin du travail attaché à votre entreprise. Par conséquent, vous devez choisir un médecin impartial, ni connu du salarié ni connu de vous.

La contre-visite médicale doit avoir lieu, en principe, au domicile du salarié. Vous êtes donc tout à fait légitime de communiquer l’adresse de votre salarié, au médecin contrôleur sans porter atteinte au respect de la vie privée de ce dernier comme le précise l’arrêt du 2 juin 1981 de la Chambre sociale de la Cour de cassation. (Cour de cassation, Chambre sociale, du 2 juin 1981, 80-10.935, Publié au bulletin).

Les droits et obligations de l’employeur

Même si la contre-visite médicale vous est reconnue comme étant un droit, vous devez tout de même répondre à certaines obligations, notamment supporter les charges financières liées à cette contre-visite. De plus, vous êtes dans l’obligation de tenir informé le salarié des conclusions du médecin contrôleur dans les plus brefs délais. Cependant, vous n’êtes pas dans l’obligation de tenir informé votre salarié des doutes que vous portez sur la légitimité de son arrêt de travail pour maladie, ni de l’informer de la visite du médecin contrôleur comme le précise l’arrêt du 19 mai 1999 de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Les droits et obligations du salarié

Votre salarié, lui, devra vous tenir informé du lieu où il a été autorisé à réaliser sa convalescence par son médecin traitant si c’est un lieu autre que son domicile. À défaut, vous pourrez suspendre le versement du complément employeur comme le confirme l’arrêt du 13 mai 1992 de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Il en va de même lorsque votre salarié est sous le régime des « sorties libres », il devra vous informer, préalablement, des horaires et adresses auxquels il pourra être visité selon l’arrêt du 4 février 2009 de la Chambre sociale de la Cour de cassation. À défaut, vous pourrez suspendre le versement du complément employeur. Il se peut, également, que votre salarié soit sous le régime des sorties autorisées. S’il est absent en dehors des heures de sorties autorisées et par conséquent lors d’une contre-visite médicale, vous pouvez décider de suspendre les indemnités complémentaires sauf si votre salarié est dans la possibilité de vous justifier son absence par un motif légitime.

Par exemple, votre salarié était absent lors de la contre-visite en raison d’une consultation médicale liée à son arrêt de travail, arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 14 décembre 2011. En revanche, votre salarié pourra refuser la contre-visite médicale dès lors que le médecin contrôleur, ne justifie pas de sa qualité et de son mandat comme le confirme l’arrêt du 13 mars 1995 de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

II. Les conséquences d’une contre-visite médicale

Le médecin contrôleur que vous avez mandaté pourra alors procéder à toutes analyses ou examens médicaux nécessaires pour justifier de l’opportunité de l’arrêt de travail et de sa durée. Deux possibilités s’offrent donc à lui :

  • Confirmer la décision du médecin traitant : vous serez alors dans l’obligation de maintenir le versement des indemnités complémentaires.
  • Décider que votre salarié est apte à reprendre ses fonctions : Dans ce cas, 2 cas de figure sont possibles :
    • Le salarié se soumet et reprend le travail à la date qui lui est indiquée par le médecin contrôleur.
    • Le salarié ne se soumet pas à la décision du médecin contrôleur et reprend ses fonctions à la date initialement prévue par son médecin traitant.

Dans ce cas, vous pouvez prendre la décision de suspendre le versement des indemnités complémentaires. En revanche, votre salarié ne perdra pas les indemnités journalières de sécurité sociale puisque seule la caisse primaire d’assurance maladie, pourra prendre cette décision ou ordonner un nouvel examen. En effet, le médecin contrôleur que vous avez mandaté sera dans l’obligation de transmettre ses conclusions, au service de contrôle médical de la caisse primaire d’assurance maladie dans les 48 heures.

Cependant, vous ne pourrez en aucun cas licencier votre salarié qui a refusé la contre-visite médicale, qui était absent lors de cette dernière ou qui refuse de reprendre ses fonctions. Vous pouvez simplement suspendre le versement du complément employeur à avenir. C'est-à-dire, que vous ne pouvez pas demander un rappel des indemnités complémentaires versées antérieurement à la contrevisite médicale.

III. La contestation du salarié de la contre-visite médicale

Attention, gardez en tête que votre salarié puisse contester les conclusions du médecin contrôleur. En effet, votre salarié pourra demander un nouvel examen au médecin contrôleur ou saisir le juge des référés pour désigner un médecin expert. De plus, si votre salarié dispose d’un arrêt de travail pour maladie postérieure à la contre-visite médicale, il retrouve son droit aux indemnités complémentaires.

Vous avez des doutes quant à la réalité de l’état de santé de votre salarié en arrêt de travail pour maladie ? Le Cabinet Zenou expert en droit social situé dans le 20ème arrondissement de Paris est présent pour vous aider à mettre en place une contre-visite médicale conforme à la législation en vigueur.

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