L’illustration la plus caricaturale du licenciement verbal est celle du DRH qui dit à son salarié « vous êtes viré ! » et l’accompagne, ou non, vers la sortie en lui demandant de ne pas revenir. Si cette pratique est fréquente outre atlantique, elle l’est, bien heureusement, beaucoup moins en France et juridiquement prohibée.
Mais qu’est-ce qu’est un licenciement verbal, exactement ? Pourquoi est-il prohibé ? Quelles sont les conséquences si je suis licencié verbalement ?
Pour répondre à ses questions, Maître Johan Zenou expert en droit du travail à Paris convient de s’intéresser à la qualification du licenciement du licenciement verbal (I). Puis, seront étudiées ses conséquences juridiques (II) et les sanctions qui y sont attachées (III).
L’alinéa 1 de l’article L1232-6 du Code du travail dispose :
« Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. »
Le licenciement prononcé sans lettre de licenciement, est prohibé. Tel est le cas, par nature, du licenciement verbal ! Hormis le cas du licenciement prononcé oralement, le licenciement verbal peut être qualifié lorsqu’un salarié se voit interdire l’accès à l’entreprise, alors qu’il n’a pas reçu de lettre de licenciement et n’a pas été mis à pied (Cass. soc., 29 oct. 1996, pourvoi n° 93-44.245).
Très récemment, la Cour de cassation a jugé que peut être qualifié de licenciement verbal le fait d’évoquer l’existence des documents de fin de contrat d’un salarié en instance de licenciement, alors qu’aucune lettre de licenciement n’a été remise (Cass. soc. 6 déc. 2023, pourvoi n°22-20.414). Encore faut-il que la personne envoyant ces documents ait le pouvoir de licencier, sans quoi le contrat ne peut pas être rompu. Tel n’est pas le cas du service paie de l’entreprise (même arrêt).
Les illustrations de qualification de licenciement verbal sont nombreuses. Ainsi, constitue un licenciement verbal :
En synthèse, il convient de rechercher si l’acte de l’employeur manifeste, ou non, sa volonté de mettre fin au contrat de travail du salarié (Cass. soc. 6 déc. 2023, pourvoi n°22-20.414). En cas d’envoi d’une lettre de licenciement, il convient de rechercher quelle manifestation de volonté a été effectuée en première : l’envoi de la lettre de licenciement ou l’information verbale ? Dans ce dernier cas, le licenciement sera qualifié de licenciement verbal (Cass. soc. 6 mai 2009, pourvoi n°08-40.395).
Lorsqu’il est qualifié, le licenciement verbal s’inscrit en violation d’autres obligations prévues par le Code du travail (II) et, à ce titre, est sanctionné par les juridictions compétentes (III).
Deux conséquences sont attachées au licenciement verbal : il n’est pas motivé (a) et, de surcroît, il peut s’inscrire en violation de l’obligation d’organiser un entretien préalable à un éventuel licenciement (b).
L’article L1232-1, alinéa 1, du Code du travail dispose :
« Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. » En application de l’article L1232-6 du Code du travail cette motivation doit être incluse dans la lettre de licenciement remise au salarié.
Les motifs de licenciement sont variés. Pour donner quelques exemples, un licenciement peut être motivé par l’insuffisance professionnelle, la faute grave, la faute lourde, ou encore pour un motif économique. Le contenu de la lettre de licenciement constitue à lui seul la motivation de la rupture (c. trav., art. L1235-2, al. 2). Formulé autrement, il ne peut pas être reproché aux salariés des faits qui ne sont pas contenus dans la lettre de licenciement.
La Cour de cassation se montre sévère dans l’appréciation de l’absence de motivation du licenciement. En effet, en l’état de la jurisprudence, il est impossible de régulariser un licenciement verbal, même en convoquant ultérieurement le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement (Cass. soc., 10 janv. 2017, n° 15-13.007).
Plus encore, l’information orale du licenciement, même si elle est donnée juste avant l’envoi de la lettre de licenciement, constitue un licenciement verbal (Cass. soc. 28 sept. 2022, pourvoi n°21-15.606[1]).
Dans ces conditions, le licenciement verbal est nécessairement dépourvu de motif, ce que les juges n’hésitent pas à sanctionner dans des conditions qui seront motivées ultérieurement (IV).
Il appartient donc aux employeurs de bien veiller au contenu de la lettre de licenciement, et de se faire accompagner par un avocat pour la rédaction de celle-ci afin de limiter les risques.
En application de l’article L1232-2 du Code du travail, l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. Dans ces conditions, le licenciement verbal intervenant avant la tenue d’un entretien préalable s’inscrira aussi en violation de cet article (Cass. soc. 23 oct. 2019, pourvoi n°17-28.800). Il est cependant aussi fréquent que le licenciement verbal soit notifié au salarié postérieurement à la tenue d’un entretien préalable. Le cas échéant, il ne s’inscrira pas en violation de cet article.
Dans un premier temps, rappelons l’article L1471-1 du Code du travail dispose que « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ». Dans ces conditions, en présence d’un licenciement verbal et si aucune lettre de licenciement n’a été notifiée, alors le délai de douze mois pour contester le licenciement ne peut pas avoir commencé à courir. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 2022 (Cass. soc., 16 mars 2022, pourvoi n°20-23.724). Ensuite, plus précisément sur la sanction du licenciement verbal, la Cour de cassation juge, de façon constante, que le licenciement verbal est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de motivation (Cass. soc. 23 juin 1998, pourvoi nº 96-41.688).
Dans ces conditions, il ouvre droit à indemnisation au sens de l’article L1235-3 du Code du travail, qui prévoit le fameux barème Macron : en fonction de son ancienneté, et en fonction de l’effectif de l’entreprise, le salarié licencié abusivement peut bénéficier d’une indemnité calculée en mois de salaire comprise entre un minimum et un maximum. De même, si le salarié licencié verbalement n’a pas effectué de préavis, alors il pourra prétendre au paiement de celui-ci. Ainsi, le prononcé d’un licenciement verbal ne constitue pas seulement un risque pour l’employeur, mais un réel danger car la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse semble être automatique.
Pour les salariés, il doit être immédiatement contesté, d’abord par courrier puis par la voie judiciaire en saisissant le Conseil de prud’hommes compétent. Plus encore, le fait qu’un licenciement soit prononcé verbalement n’exclut pas qu’il puisse, en réalité, avoir un motif discriminatoire. Tel serait le cas si un salarié était licencié verbalement, dès l’instant où il annonce à son employeur qu’il s’arrête pour maladie.
Le cas échéant, il pourrait être considéré que le licenciement est prononcé en raison de l’état de santé du salarié, ce qui constitue un motif de nullité du licenciement (Article L1132-1 du Code du travail). Lorsque la nullité du licenciement est prononcée, alors le barème Macron, suscité ne s’applique pas, et le salarié a droit à sa réintégration ou à une indemnité ne pouvant pas être inférieure aux salaire des six derniers mois (Article L.1235-3-1 du Code du travail).
Enfin, précisons que lorsqu’aucun entretien préalable à un éventuel licenciement n’est organisé, le Code du travail prévoit que l’employeur est redevable d’une indemnité pour irrégularité de procédure. Elle ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Attention toutefois, cette indemnité ne se cumule pas avec les indemnités ci-dessus. Le montant le plus élevé sera versé au salarié. Plus généralement, la problématique du licenciement verbal pose la question de l’importance de la motivation du licenciement, et donc de la rédaction de la lettre de licenciement.
Quel que soit le motif de rupture du contrat de travail envisagé, il est donc impératif de se faire accompagner par le Cabinet Zenou situé à Paris 20ème en droit du travail dans le cadre d’une procédure de licenciement.
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