Le Code du travail énonce en son article L.1153-1 une double définition du harcèlement sexuel :
En premier lieu, il s’agit de propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. En second lieu, est assimilé au harcèlement sexuel toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
A – Les éléments d’une situation de harcèlement sexuel
S’agissant de la première définition du harcèlement sexuel, le Code du travail cherche à atteindre de nombreuses situations. Il peut ainsi s’agir de simples échanges par SMS, mails ou encore à des avances de vive voix. Il n’est pas nécessaire que les agissements présentent un caractère sexuel manifeste mais simplement une connotation sexuelle.
Attention : La limite entre la connotation sexuelle et l’acceptable est malheureusement relativement fine. Le ressenti de la victime de harcèlement sexuel peut être différent de l’interprétation qu’aura un juge de la situation. Il est préférable ainsi avant d’agir de recueillir les conseils d’un avocat en droit du salarié.
Ces agissements à connotation sexuelle doivent entrainer certaines conséquences sur le salarié qui en est victime. Ainsi, le Code du travail laisse fort heureusement ici une place au ressenti de la victime. Ces comportements peuvent être acceptables pour certaines personnes mais causer au salarié concerné du tort. Il peut être question de remarques obscènes et dégradantes, propos homophobes etc… Dans cette optique, une situation de harcèlement sexuel peut également être révélatrice de discrimination ou harcèlement moral. Ces comportements peuvent créer une situation intimidante, hostile ou offensante soit entrainer une dégradation de vos conditions de travail. La jurisprudence a pu préciser que des propos même considérés comme valorisant par leur auteur sont constitutifs d’un harcèlement sexuel dès lors :
Qu’ils présentent une connotation sexuelle.
Ont été imposés de manière répétée à la salariée, en dehors de tout contexte de plaisanterie ou de familiarité, créant à son encontre une situation offensante, génératrice d’une incapacité de travail (Cass. Crim., 18 nov. 2020, n° 19-81.790).
Cette jurisprudence a le mérite de consacrer que la soi-disant bonne intention de l’auteur ne compte pas. Néanmoins, celle-ci laisse également penser que le harcèlement sexuel peut être exclu dans le cadre de plaisanteries. A cet égard, la Cour de cassation a eu l’occasion de retenir l’attitude ambiguë d’une salariée ayant volontairement participé à un jeu de séduction réciproque, excluant ainsi la qualification de faits de harcèlement sexuel (Cass. Soc., 25 sept. 2019, n° 17-31.171). La première forme nécessite à tout moins deux agissements pour être constitutive de harcèlement sexuel. Remarque : La loi n’exige pas que ces agissements soient séparés d’un certain délai. Ils peuvent avoir lieu dans un même laps de temps.
Fort heureusement, la deuxième forme du harcèlement sexuel peut procéder d’un acte isolé. La Cour de cassation rappelle en effet qu'un fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel (Cass. Soc., 17 mai 2017, n° 15-19.300, n° 872 FS - P + B). Il s’agit ici d’une sorte de chantage sexuel par lequel l’auteur du harcèlement sexuel va proposer à quelqu’un d’obtenir quelque chose en échange d’une faveur sexuelle. Exemple : Se voir proposer une promotion en échange d’une nuit à l’hôtel. Mais encore, se voir menacer de sanction telles qu’une mutation ou un licenciement en l’échange de tout acte de nature sexuelle. Peut-être faut-il préciser que la circonstance selon laquelle l’harceleur est un subordonné importe peu. L’harceleur peut être aussi bien un supérieur, qu’un subordonné, un homme ou une femme.
B – Quelques exemples de harcèlement sexuel
Ont été reconnus comme constitutifs de harcèlement sexuel au travail :
Le fait pour un employeur de faire à une salariée des compliments sur son corps, de lui demander de porter des jupes pour montrer ses jambes, de se livrer à des attouchements et de chercher à se frotter à elle.
Le fait pour l'employeur d'avoir multiplié les cadeaux (bijoux, vêtements, chaussures, fleurs), les appels et messages téléphoniques, de s'être rendu au domicile de la salariée et introduit dans sa vie privée dans le but de la convaincre et même de la contraindre à céder à ses avances (Cass. Soc., 3 mars 2009, n° 07-44.082).
Important : Le harcèlement sexuel peut continuer hors du temps et lieu de travail. Si en principe, de tels faits relèvent de la vie privée, la jurisprudence admet parfois que ces agissements soient constitutifs de harcèlement sexuel au travail dès lors que leur auteur était en contact avec les intéressés en raison de son travail (Cass. Soc., 19 oct. 2011, n° 09-72.672).
A – Quelles sont les obligations de mon employeur ?
De manière générale, l’employeur a une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés (Article L 4121-1 du Code du travail). Au titre plus particulier de l’article L.1153-5 du Code du travail, l'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner. Découlent ainsi de ces deux articles une obligation de sécurité renforcée. En termes de prévention, l’employeur doit mettre en place des campagnes de sensibilisation et formation afin que le risque soit identifié. Dès lors que celui-ci a connaissance de faits de harcèlement sexuel au travail, il doit par ailleurs diligenter une enquête afin de s’assurer de la réalité des évènements.
Le Comité social et économique peut user de son droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes, contraignant ainsi l’employeur à diligenter une enquête. Le CSE peut à certains égards procéder à la désignation d’un expert. A préciser qu’une situation de harcèlement sexuel peut engager la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité et vous permettre de solliciter des dommages-intérêts liés au préjudice subi. Enfin, dans les entreprises d’au moins 250 salariés, un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel peut également vous conseiller.
B – Quels sont les risques en cas de dénonciation ?
La libération de la parole en matière de harcèlement sexuel est extrêmement difficile. Une des premières barrières à cette libération peut être la méconnaissance de leurs droits par les salariés qui en sont victimes. Le Code du travail prévoit la nullité de toute mesure, sanction prise à l’encontre d’un salarié victime de harcèlement moral (Article L 1153-4 du Code du travail). Cette protection est étendue au salarié qui relate ou témoigne des faits mais reste toutefois subordonnée à l’établissement de la véracité des faits de harcèlement sexuel. Par ailleurs, la bonne foi du salarié va notamment entrer en compte dans l’octroi de cette protection. Ainsi, la jurisprudence rappelle de manière constante qu’un salarié dénonçant des faits de harcèlement moral ne peut être sanctionné sauf s’il est de mauvaise foi (Cass. Soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092). Cette mauvaise foi s’entend du fait que le salarié doit savoir au moment de sa dénonciation que les faits qu’ils dénoncent sont faux (Cass. Soc., 7 févr. 2012, n° 10-18.035, Cass. 1re civ., 28 Sept. 2016, n° 15-21.823).
Cette mauvaise foi peut exposer le salarié à des sanctions pouvant aller dans certains cas jusqu’à un licenciement pour faute grave. En tout état de cause, cette protection permet au salarié victime de harcèlement sexuel au travail et d’un licenciement de demander la nullité de ce licenciement s’il établit un lien entre les deux. Si le juge reconnait la nullité du licenciement, le salarié pourra obtenir en cas de non-réintégration au sein de l’entreprise une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire (Article L.1235-3-1 du Code du travail).
C – En cas d’action en justice, comment prouver le harcèlement sexuel ?
Dans le cas où vous souhaiteriez contester une mesure, mettre la lumière sur les faits de harcèlement sexuel et obtenir réparation, le système de preuve mis en place par le Code du travail vous est favorable. En effet, selon l’article L.1154-1 du code du travail, le salarié qui s’estime victime de harcèlement sexuel au travail présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement. A ce titre, il faut être prudent, il convient de conserver une trace de tous les éléments susceptibles de constituer des preuves au soutien de la reconnaissance du harcèlement sexuel (SMS, mails, témoignages de collègues, résultat de l’enquête interne etc…). Le Conseil de Prud’hommes formera sa conviction sur les éléments apportés. Attention : Devant le Conseil des prud’hommes, la preuve doit respecter le principe de loyauté. Il n’est alors pas possible de produire un enregistrement effectué à l’insu de l’auteur du harcèlement sexuel.
Le harcèlement sexuel constitue également un délit et peut donner lieu à une action au pénal devant le Tribunal correctionnel, auquel cas l’enregistrement sera ici recevable. Face aux éléments apportés par la victime du harcèlement, l’employeur devra lui prouver que les agissements en question ne sont pas constitutifs du harcèlement sexuel et que les décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
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