Le législateur a instauré un mécanisme de responsabilité solidaire pesant sur le donneur d'ordre, appelé obligation de vigilance. Une question fondamentale divise souvent les praticiens : jusqu'où cette surveillance doit-elle s'exercer ? La jurisprudence de la Cour de cassation est venue clarifier ce périmètre : l’obligation de vigilance du maître d’ouvrage est limitée à son cocontractant direct.
Maître Johan Zenou expert en droit du travail analyse les limites de la responsabilité solidaire du maître d’ouvrage en matière de lutte contre le travail dissimulé, en précisant pourquoi l'obligation de vigilance ne s'applique qu'au cocontractant direct et non aux sous-traitants de second rang.
L’obligation de vigilance est régie par l'article L. 8222-1 du Code du travail. Ce texte impose à toute personne (le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre) qui conclut un contrat dont le montant est au moins égal à 5 000 euros, de vérifier que son cocontractant s'acquitte de ses obligations sociales et fiscales.
A) La nature du contrôle
B) Le périmètre du "Cocontractant"
La loi vise expressément le cocontractant. En droit civil, le cocontractant est la personne avec laquelle on a signé le contrat. Dans une chaîne de sous-traitance, le maître d'ouvrage (MOA) est lié à l'entreprise principale (EP). L'EP est liée à un sous-traitant (ST1), qui lui-même peut faire appel à un sous-traitant de second rang (ST2).
Le principe de l’effet relatif des contrats (Article 1199 du Code civil) interdit d'étendre des obligations contractuelles à des tiers. La Cour de cassation applique ce principe avec rigueur à l'obligation de vigilance.
A) Une responsabilité segmentée
Si le maître d'ouvrage est responsable de la vigilance vis-à-vis de l'entreprise principale, c'est à cette dernière en sa qualité de donneur d'ordre du premier sous-traitant qu'incombe l'obligation de vigilance de "second échelon". Le maître d’ouvrage n'a pas la qualité de donneur d’ordre vis-à-vis du sous-traitant de son prestataire. Par conséquent, il n'est pas tenu de réclamer les attestations URSSAF de ce sous-traitant "éloigné".
B) L'apport de la jurisprudence (Exemples de la Cour de cassation)
La Cour de cassation a eu plusieurs fois l'occasion de confirmer cette lecture restrictive :
Cour de cassation, 2e Civ, 12 mars 2015, n° 14-11.459 : Dans cet arrêt de principe, la Cour a jugé que la solidarité financière pour travail dissimulé ne peut être actionnée contre un maître d'ouvrage que s'il a failli à son obligation vis-à-vis de son cocontractant direct. Elle refuse d'étendre cette responsabilité aux dettes sociales des sous-traitants de rang inférieur avec lesquels le MOA n'a pas de lien de droit.
Cour de cassation, 2e Civ, 7 juillet 2016, n° 15-10.320 : La Cour réaffirme que le manquement à l'obligation de vigilance ne peut concerner que le cocontractant. Un organisme social (URSSAF) ne peut pas réclamer au maître d'ouvrage le paiement des cotisations dues par un sous-traitant de second rang au motif que le MOA ne l'aurait pas contrôlé.
Si le MOA (maître d'ouvrage) n'a pas d'obligation de vérification initiale pour les sous-traitants de son cocontractant, il possède une obligation de réaction s'il est informé d'une irrégularité.
L'article L. 8222-5 du Code du travail prévoit que si le MOA est informé par écrit (par l'inspection du travail, un syndicat ou un agent de contrôle) qu'un sous-traitant, même de second rang, commet un délit de travail dissimulé sur son chantier, il doit :
Enjoindre son cocontractant de faire cesser sans délai la situation.
Dénoncer le contrat si la situation n'est pas régularisée. Si le MOA reste passif après cette alerte formelle, il devient alors solidairement responsable, non pas par défaut de vigilance contractuelle, mais par défaut de diligence face à une fraude avérée.
Il est impératif de ne pas confondre l'obligation de vigilance (URSSAF) et l'obligation d'acceptation et d'agrément (Loi du 31 déc. 1975). Sur l'agrément : Le maître d'ouvrage doit agréer tous les sous-traitants de la chaîne dès qu'il a connaissance de leur présence sur le chantier. Sur la vigilance : Il ne doit collecter les documents sociaux que pour son seul partenaire direct. La Cour de cassation sanctionne lourdement l'absence d'agrément (responsabilité quasi-délictuelle), mais elle refuse de transformer cette obligation d'agrément en une obligation de vigilance sociale généralisée à toute la chaîne.
Pour le MOA, ne pas respecter sa vigilance envers son cocontractant direct expose à la solidarité financière : paiement des cotisations sociales, impôts et salaires du prestataire fraudeur,
le refus des aides publiques (exonérations de cotisations), des sanctions administratives (amendes), recommandations pour le Maître d'ouvrage.
Centralisation : Exiger un dossier complet de l'entreprise principale avant tout début de travaux.
Actualisation : Automatiser la relance tous les six mois via des plateformes de gestion de la conformité.
Bon à savoir : Dans le contrat principal, insérer une clause imposant à l'entreprise principale de garantir qu'elle remplit elle-même son obligation de vigilance envers ses propres sous-traitants.
En conclusion, si la loi impose une rigueur croissante aux donneurs d'ordre, elle préserve un périmètre de responsabilité gérable. L'obligation de vigilance ne s'étend pas au sous-traitant du cocontractant afin de respecter la hiérarchie contractuelle et d'éviter une surcharge administrative excessive. Le maître d’ouvrage doit rester vigilant sur son "premier cercle" de prestataires, Le Cabinet Zenou expert en droit du travail à Paris 20ème vous accompagne en cas de signalement concernant les échelons inférieurs de la chaîne de sous-traitance.
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