Quelles sont les grandes étapes à respecter devant la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) ?

Quelles sont les grandes étapes à respecter devant la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) ?
Véritable acte fondateur quant à la reconnaissance des droits des victimes d’infractions, la loi n°77-5 du 3 janvier 1977 institue la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) dans chaque tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire. Il s’agit d’une juridiction civile autonome composée de deux magistrats du siège et d’une personne choisie pour l'intérêt qu'elle a manifesté́ aux problèmes des victimes d'infractions (Article 706-4 du Code de la procédure pénale). La CIVI permet aux victimes d’infractions pénales d’obtenir une indemnisation fondée sur la solidarité nationale lorsque leurs préjudices ne peuvent être réparés par l’auteur des faits ou par un organisme d’indemnisation.
 
Maître Johan Zenou, avocat pénaliste à Paris 20e, revient pour vous sur les conditions de saisine de la CIVI (I.), les modalités de cette saisine (II.), l’étendue de la réparation accordée par la CIVI (III.) et enfin la procédure devant la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (IV.).
 

I. Les conditions de saisine de la CIVI

 
La compétence de la CIVI en matière d’indemnisation des victimes est soumise à des conditions tenant à la victime (A.) mais aussi à l’infraction en tant que telle (B.).
 
  1. Les conditions tenant à la victime
 
Pour qu’une demande soit recevable auprès de la CIVI, la personne ayant subi un préjudice résultant d’une infraction pénale doit justifier qu’elle dispose d’un droit, à agir en justice et répondre à des conditions de nationalité et de territorialité.
 
  • La qualité à agir
 
Seules peuvent agir en vue d’obtenir la réparation de leurs préjudices :
 
  • Les victimes directes ayant personnellement été visées par l’infraction.
  • Les victimes par ricochet.
 
  • Les conditions de nationalité et de territorialité
 
L’article 706-3 du Code de procédure pénale subordonne l’indemnisation à une condition de nationalité ou de territorialité. Les personnes de nationalité française, victime d’une infraction pénale, sont couvertes par le régime d’indemnisation des victimes indépendamment du lieu où a été commis l’infraction (en France ou à l’étranger).  
 
Les personnes de nationalité étrangère, ne peuvent se faire indemniser qu’à la condition que l’infraction, ait été commise sur le territoire français. Depuis la loi du 5 août 2013, il ne leur est plus nécessaire de justifier de la régularité, de leurs séjours en France pour les demandes formulées après le 7 août 2013, et ce même si les faits dommageables sont antérieurs (Cass., 2e civ., 12 janvier 2017, n° 16-10.069).
 
  1. Les conditions tenant à l’infraction
 
La recevabilité de la saisine de la CIVI suppose en premier lieu la caractérisation de la matérialité de l’infraction. Cependant toutes infractions ne relèvent pas de son champ de compétence.  
 
  • La caractérisation de la matérialité de l’infraction
 
Au titre de l’article 706-3 du Code de procédure pénale, sont indemnisés les faits volontaires ou non revêtant le caractère matériel d’une infraction. A cet égard, l’infraction doit être regardée de manière objective donc indépendamment de la personne de son auteur. (Cass., 2e civ., 30 novembre 2000, n° 99-19.848). En outre, pour être indemniser, il est nécessaire que l’ensemble des éléments matériels constitutifs de l’infraction soient réunies (Cass., 2e civ., 28 mars 2019, n° 18-13.27), et que le préjudice résulte directement de ladite infraction (Cass. 2e civ., 12 février 2009, n°08-11.080).
 
  • Les infractions exclues
 
Il existe des hypothèses pour lesquelles la compétence de la CIVI n’est pas retenue. Ainsi l’article 706-3 du Code de procédure pénale énumère plusieurs circonstances :
 
  • Le dommage à la suite d’un acte terroriste.
  • Le dommage causé par une exposition à l’amiante.
  •  Le dommage découlant d’un acte de chasse ou de destruction des animaux nuisibles.
  • Le dommage relevant de la législation du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation impliquant en véhicule terrestre à moteur.
 
Bon à savoir : En revanche, la CIVI retrouve sa compétence pour les accidents de la circulation qui n’ont pas vocation à être régis par la loi du 5 juillet 1985. Il s’agit par exemple des accidents de la circulation survenus à l'étranger.
 
En principe, la jurisprudence de la Cour de cassation exclut la compétence de la CIVI dès lors que les dispositions sur la réparation des accidents du travail sont applicables (Cass., 2e civ., 7 mai 2003, n°01-00.815,). Ainsi, les proches des victimes qui en sont exclus peuvent être indemnises par la CIVI. Toutefois, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que les dispositions relatives, à l’indemnisation des victimes d’infractions, sont applicables dès lors que l’accident du travail résulte d’une faute intentionnelle de l’employeur. (Cass., 2e civ., 4 février 2010, n° 09-13.332).
 

II. La saisine de la CIVI

 
La victime souhaitant saisir la CIVI doit formuler une requête (A.) avant la fin du délai de forclusion (B.). 
 
  1. La formulation d’une requête
 
La saisine de la CIVI se fait par requête remise ou adressée par lettre recommandée (article R50-8 du Code de procédure pénale) auprès du secrétaire de la CIVI compétente qui est soit :
 
  • Celle du domicile du demandeur.
  • Celle du lieu de la juridiction pénale saisie de l’infraction.
  • Celle déjà saisie de la même infraction par une autre victime.
  • Celle du Tribunal judicaire de Paris pour des faits commis à l’étranger.
 
Pour ce faire, elle peut effectuer elle-même sa demande à l’aide du formulaire Cerfa n°12825*05 complété des pièces justificatives ou alors solliciter l’aide d’un avocat pénaliste qui se chargera de toutes les diligences.
 
  1. Le délai de forclusion
 
Au titre de l’article 706-5 du Code de procédure pénale, sous peine de forclusion, la CIVI doit être saisie par la victime soit dans un délai de trois ans à compter de la date de commission de l'infraction soit dans un délai d’un an suivant la décision définitive rendue par une juridiction pénale. Néanmoins, ce délai de forclusion peut être relever par la CIVI sous certaines conditions.
 

III. L’étendue de la réparation du préjudice accordée par la CIVI

 
L’étendue de la réparation du préjudice est d’intensité variable : elle peut être intégrale (A.) ou réduite (B.) en fonction du dommage qu’elle répare.
 
  1. La réparation intégrale du préjudice
 
Au titre de l’article 706-3 du Code de procédure pénale, seules les atteintes à la personne les plus graves peuvent faire l’objet d’une réparation intégrale sans condition de revenus. Il s’agit des infractions :
 
  • Ayant entrainé la mort
  • Ayant entrainé une incapacité permanente ou totale de travail égale ou supérieure à 1 mois.
  • Relatives à la traite des êtres humains
  •  De viol, d'agression sexuelle ou d'atteinte sexuelle sur un mineur
 
  1. La réparation réduite du préjudice 
 
L’article L. 706-14 et L.706-14-1 du Code de procédure pénale envisage les situations pour lesquelles la réparation n’est pas intégrale.
 
  • Dommage corporel léger
 
L’indemnisation d’un dommage corporel léger nécessite la réunion de trois conditions cumulatives à savoir :  
 
  • Une incapacité totale de travail inférieure à un mois.
  • Des troubles mettant la victime dans une situation matérielle ou psychologique graves.
  • Aucune indemnisation du préjudice par d’autres organismes.
 
  • Dommage matériel
 
En règle générale, la réparation d’un dommage matériel de la victime est déterminée par trois conditions cumulatives :
 
  • Être victime d’une des infractions suivantes : vol, escroquerie, abus de confiance, extorsion de fonds, détérioration, destruction ou dégradation des biens.
  • Avoir bénéficier d’aucune indemnisation du préjudice par d’autres organismes.
  • Des troubles mettant la victime dans une situation matérielle ou psychologique graves.
 
Par ailleurs, un régime spécifique est prévu en cas de destruction du véhicule par un incendie volontaire et suppose la réunion de trois conditions. Il faut :
  • Aucune indemnisation du préjudice par d’autres organismes.
  • Que l’infraction ait eu lieu sur le territoire français.
  • Que le véhicule soit en règle au regard de la législation du code de la route et du code des assurances (certificat d’immatriculation, contrôle technique et assurance). 
 
Pour toutes ces hypothèses, l’indemnité est plafonnée et est soumise à des conditions de ressources qui ne peuvent être supérieures au plafond pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle. Remarque : le comportement fautif de la victime peut également avoir une incidence sur l’étendue de l’indemnisation.  
 

IV. La procédure devant la CIVI

 
La procédure devant la CIVI se déroule en deux temps avec tout d’abord une phase amiable (A.) et le cas échéant, en cas d’échec une phase contentieuse (B.).
 
  1. La phase amiable
 
La phase amiable est régie par l’article 706-5-1 du Code de procédure pénale. Elle débute par la transmission de la demande d’indemnisation au FGTI, qui dispose alors d’un délai de deux mois pour faire une proposition d’indemnisation. La victime dispose également d’un délai de deux mois pour accepter ou décliner l’offre. Son silence vaut refus. 
 
Si la victime accepte l’offre, la proposition est transmise par le FGTI au président de la Commission en vue de son homologation. Le délai d’indemnisation est d’un mois à compter de l’homologation. En revanche, si elle refuse la proposition, la phase amiable prend fin et l’instruction se poursuit devant la CIVI.   
 
  1. La phase contentieuse
 
Lors de la phase contentieuse, la CIVI doit d’une part vérifier l’existence d’un droit à la réparation et d’autre part l’évaluer. Elle est également en charge de la fixation du montant de l’indemnisation, en prenant en compte divers éléments mentionnés à l’article 706-9 du Code de procédure pénale. Pour ce faire, la victime recevra une convocation deux mois avant l’audience. Au cours de cette audience, si elle estime qu'il existe un préjudice indemnisable, elle rend une décision favorable qu'elle notifie au Fonds de garantie, seul chargé de verser l'indemnisation dans un délai d’un mois à compter de ladite notification. Le FGTI ou la victime ont la faculté d’interjeter appel dans un délai d’un mois suivant la notification.
 
 
La saisine de la CIVI est d’une grande complexité, Maître Johan Zenou vous accompagne pour constituer un dossier solide et réduire les risques de rejet de la demande. Le Cabinet Zenou, avocat en droit pénal à Paris 20e, est à votre disposition pour vous assister tout au long de la procédure devant la CIVI : du dépôt de la requête jusqu’au jugement final.

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