La citation directe : Son fonctionnement et ses conditions de mise en œuvre ?

La citation directe : Son fonctionnement et ses conditions de mise en œuvre ?
La citation directe est une procédure qui permet, notamment au Ministère public ou à la victime, de faire comparaitre rapidement l’auteur d’une infraction devant le Tribunal correctionnel ou le tribunal de police. Souvent utilisée dans le cadre des délits routiers, de presse, de violence et d’abandon de famille, le recours à cette procédure s’est progressivement démocratisé en droit pénal du travail, et plus particulièrement en matière de délits d’entrave. Ainsi, il n’est pas rare qu’un comité social et économique (CSE) fasse citer directement l’employeur devant le tribunal correctionnel pour délit d’entrave au fonctionnement du CSE.
 
Répondant à un objectif de célérité de la justice, les jugements rendus rapidement valent titre exécutoire, corollairement une procédure particulière a été mise en place afin de préserver les droits de la défense et garantir les libertés fondamentales. Maître Johan Zenou, avocat en droit pénal à Paris 20e, vous explique les spécificités de cette procédure en abordant le champ d’application de la citation directe (I), le formalisme particulier qui en résulte (II) pour finir par le déroulement de la procédure de jugement (III).
 

I. Le champ d’application de la citation directe

 
  1. Les infractions concernées
 
La citation directe permet de saisir directement la juridiction de jugement sans instruction préalable. Par conséquent, elle ne vise à s’appliquer qu’en matière correctionnelle et contraventionnelle, autrement dit à l’égard des infractions pour lesquelles une information préalable n’est pas exigée. Par conséquent, la citation directe est purement et simplement exclue en matière criminelle. Attention, il existe des exceptions en matière correctionnelle et contraventionnelle. A titre d’exemple, elle ne peut pas, en principe, être utilisée devant les juridictions pour mineurs (Article L.423-5 du Code de la justice pénale des mineurs). 
 
Il convient de souligner que la citation directe est un mode de poursuite réservé aux affaires simples et/ou de faibles gravités, dont l’auteur présumé des faits est connu par le plaignant ou le Ministère publique. Par ailleurs, il est nécessaire que l’affaire soit en état d’être jugée, et que les parties à l’origine de la citation soit en mesure de présenter des preuves suffisantes à la charge du prévenu. 
 
  1. Les parties à l’initiative de la citation directe
 
Au titre de l’article 551 du Code de procédure pénale, une citation directe peut être délivrée par le Ministère public, par la partie civile (personne physique ou morale) et enfin par toutes administrations habilitées par la loi, telles que l’administration douanière ou encore celle des impôts.
 
Une option est accordée au plaignant au moment du dépôt de sa plainte, puisque ce dernier peut choisir entre la procédure de citation directe, et la plainte avec constitution de partie civile. Le choix est définitif puisqu’une fois que le juge d’instruction est saisi, le plaignant ne peut plus opter pour la citation directe au cours de l’information (Cass., crim., 29 oct. 1990, 87-81.576) voire après une ordonnance de non-lieu qui s'impose à lui (Cass., crim., 10 mai 1990, n° 89-81.772). En revanche, l’ordonnance de non-lieu ne fait pas obstacle à une citation directe par la suite dès lors, que la personne visée ne fait pas l’objet d’une mise en examen, n’a pas été entendue en qualité́ de témoin assisté, nommément désignée dans un réquisitoire du procureur ou une plainte avec constitution de partie civile (Cass., crim., 12 nov. 2008, n° 07-88.222).
 

II. Le formalisme de la citation directe

 
  1. La remise de la citation directe 
 
En principe, toutes les citations sont faites par exploit d’huissier indépendamment de la personne qui en demande la délivrance (Article 550 du Code de procédure pénale). L’huissier doit mettre en œuvre toutes les diligences, pour faire parvenir la citation à son destinataire (Article 555 du Code de procédure pénal). Lorsque la personne citée n’est pas à son domicile, plusieurs situations peuvent être envisagées. Au titre de l’article 556 du Code de procédure pénale, l’huissier peut remettre la citation à un parent allié, serviteur ou à une personne résidant à ce domicile.
 
Si personne n’est présent au domicile du prévenu, l’huissier doit immédiatement vérifier l’exactitude de l’adresse fournie. Si elle s’avère exacte, l’huissier informe généralement la personne citée par lettre recommandée avec accusé de réception, qu’une citation est à retirer à son étude. Si la personne récupère la citation, la remise est réputée avoir été effectuée le jour du retrait. En revanche, si la citation n’est pas retirée, la preuve de la réception de la lettre d’information vaut remise de la citation. (Article 558 du Code de la procédure pénale).
 
Enfin, si la personne mise en cause est sans domicile fixe ou connu, l’huissier doit alors remettre une copie de la citation au parquet du tribunal saisi. (Article 559 du Code de procédure pénale). Le procureur de la République enjoint alors un agent de police, pour qu’il fasse des recherches afin de découvrir l’adresse du prévenu. S’il y parvient, il remet la citation au destinataire dans le cas contraire le procès-verbal établi par l’agent de police, vaut citation et permet au juge de juger l’affaire sans la présence du prévenu (Article 560 du Code de procédure pénal).
Les frais d’huissier sont à la charge de la victime si elle est à l’origine de la citation. Cependant elle peut en demander le remboursement par la personne condamnée si elle gagne le procès.
 
  1. Le contenu de la citation directe 
 
Des mentions obligatoires doivent impérativement figurer au sein de la citation directe :
 
  • La désignation du requérant.
  • La date.
  • L’identité et l’adresse de l’huissier.
  • L’identité et l’adresse de la personne poursuivie.
  • L’énoncé des faits et le visa des textes d’incrimination et de pénalités.
  • Le tribunal saisi, le lieu et la date de l’audience.
  • Le droit d’être assister par un avocat qu’il aura lui-même choisi ou désigné comme commis d’office.
  • L’obligation de comparaitre à l’audience en possession de tous les justificatifs de revenus et les avis d’imposition et de non-imposition.
  • La mention selon laquelle la non-comparution, le refus de témoigner et le faux témoignage sont punis par la loi.
 
Lorsque la citation est délivrée à la requête de la partie civile, doivent y figurer en plus de toutes ces mentions (Article 551 du Code de procédure pénale) : 
 
  • Les noms, prénoms, profession et domicile réel et élu s’il s’agit d’une personne physique.
  • La forme, la dénomination, le siège social et l’organe qui la représente légalement s’il s’agit d’une personne morale.      
 
  1. Le délai de la citation directe
 
L’article 552 du code de procédure pénal impose de respecter des délais assez stricts, entre le jour où la citation est délivrée et le moment de la comparution devant la juridiction de jugement. Ces délais varient en fonction du domicile de la personne citée.
 
Ce délai est d’au moins dix jours :
 
  • Si la personne citée réside en France métropolitaine.
  • Si le procès est tenu devant les tribunaux du même département d’Outre-mer que celui de la résidence de la personne citée.
 
En revanche, ce délai est d’au moins un mois et dix jours :
 
  • Si la personne citée réside en Outre-mer et que le procès ait lieu dans autre département d’Outre-mer.
  • Si la personne citée réside en métropole et que le procès ait lieu dans un département d’outre-mer.
  • Si la personne citée réside à l’étranger dans un État membre de l'Union européenne.
 
Enfin, ce délai peut être d’au moins deux mois et dix jours lorsque la personne citée réside à l’étranger hors de l’Union européenne.
 
  1. Le non-respect du formalisme de la citation directe
 
Le non-respect du formalisme de la citation directe n’entraine pas forcément la nullité de l’acte. La citation directe ne respectant pas les délais prévus par la loi est frappé de nullité uniquement, si la partie citée ne comparait pas à l’audience. En revanche, si elle se présente, la citation n’est pas nulle, l’audience peut être renvoyée à une date ultérieure si la partie en fait la demande. S’agissant des conditions de formes, elles ne peuvent donner lieu à une nullité de la citation qu’à la condition, que le vice qui l’affecte soit fondamental ou si l’irrégularité a pour effet de porter atteinte aux intérêts des parties (Article 565 du Code de procédure pénale).
 
En principe, l’exception de nullité doit être soulevée préalablement à l’ouverture des débats (Cass., crim., 11 juin 1981 n° 80-90.560) par les personnes dont les intérêts ont été atteints. (Article 565 du Code de procédure pénale). La chambre criminelle de la Cour de cassation précise, que cette faculté est également offerte au ministère public (Cass. crim., 5 mars 1970 n°67-91.652). En revanche, le juge pénal ne peut la relever d’office (Cass, crim., 19 mars 1997, n° 96-82.912).
 
 

  III.La procédure de jugement suite à une citation directe

 
     A. La consignation par la partie civile 
 
Au titre de l’article 391-1 du Code de procédure pénal, lorsque la citation directe n’est pas jointe à celle du ministère publique, la partie civile est convoqué à une audience de consignation devant la juridiction de jugement, afin de consigner une somme d’argent au vue de garantir le paiement de l’amende civile, si la citation directe est qualifiée d’abusive. Le montant de cette consignation varie en fonction des revenus.  L’absence de consignation entraine la non-recevabilité de la citation directe. 
 
      B. L’audience
 
L’audience se déroule comme un procès pénale classique devant le tribunal de police pour les contraventions, et devant le Tribunal correctionnel pour les délits. La décision rendue est susceptible d’appel dans un délais de dix jours à compter de la signification du jugement. Le prévenu et le ministère publique peuvent faire appel de l’entièreté de la décision. En revanche, la partie civile ne peut interjeter appel qu’en ce qui concerne les intérêts civils. 
 
    C. Le rôle de l’avocat 
 
La présence d’un avocat n’est pas obligation, mais elle est fortement recommandée aussi bien pour la partie civile que la personne mise en cause. La poursuite d’une personne par voie de citation directe n’est pas sans risque, pour la victime puisque le juge peut la condamner pour citation abusive, au paiement d’une amende de 15 000 euros maximum (Article 392-1 du Code de procédure pénale) et au versement de dommages-intérêts à la personne poursuivie. Ainsi, il est vivement conseillé de prendre contact avec un avocat en amont de la procédure, afin d’évaluer vos chances de succès. Par ailleurs, l’avocat pourra, le cas échéant, vous être d’une aide précieuse dans la rédaction de la citation directe.
 
De la même manière, dès réception d’une citation directe, il est recommandé de prendre contact avec un avocat, afin qu’il puisse dans un premier temps vérifier que le formalisme ait bien été respecté et, le cas échéant, assurer votre défense lors des différentes audiences.  
 
Que vous soyez partie civile ou prévenu à une citation directe, n’hésitez pas à contacter le Cabinet Zenou, avocat pénaliste à Paris 20e, pour vous accompagner tout au long de la procédure.

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