A quoi correspond le déficit fonctionnel permanent dit (DFP) ?

A quoi correspond le déficit fonctionnel permanent dit (DFP) ?
L’atteinte à l’intégrité corporelle comme tout dommage causé par la faute autrui donne lieu à réparation (Article 1240 du Code civil).  Pour ce faire, il convient alors au préalable d’évaluer le ou les préjudices qui peuvent être de nature patrimoniaux ou extrapatrimoniaux. Parmi, ces préjudices extrapatrimoniaux figurent le déficit fonctionnel qui peut être temporaire ou permanent. Il convient aujourd’hui de s’intéresser uniquement au déficit fonctionnel permanent. Crée en 2005 par la nomenclature de Dintilhac, le déficit permanent fonctionnel remplace le terme d’incapacité physique permanente qui reprenait à la fois l'incapacité́ physiologique et l'incapacité́ professionnelle.
 
Encore aujourd’hui, la nomenclature de Dintilhac reste fondamentale en matière de dommage corporel pour déterminer les postes de préjudices. Au regard de cette nomenclature le déficit fonctionnel permanent est défini comme une incapacité médicalement constatée après consolidation qui établit que le dommage subi est à l’origine de troubles sur les fonctions physiques et psychiques de la victime. A ce titre, le rapport de Dintilhac ajoute que doivent être indemnisé « non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien ».  
 
Malgré tout, il n’est pas aisé dans la pratique de cerner le contenu du déficit fonctionnel permanent puisqu’il n’est pas rare que son évaluation soit sujet à des appréciations très divergentes. Pour essayer de mieux comprendre le contenu de ce préjudice, Johan Zenou, avocat en préjudice corporel à Paris 20e, revient pour vous sur la caractérisation du déficit fonctionnel permanent (I.), les modalités d’évaluation du préjudice (II.) et enfin sur les modalités d’indemnisation (III.).   
 
  1. La caractérisation du déficit fonctionnel permanent
 
La caractérisation du déficit fonctionnel nécessite tout d’abord de s’attarder sur les éléments qui en constitue son fondement (A.) avant d’envisager la question de la consolidation du dommage de la victime (B.).
 
  1. Les éléments du déficit fonctionnel permanent
 
Il faut savoir que la définition prévue par la nomenclature de Dintilhac n’a aucune valeur juridique. Néanmoins, le contenu du rapport a été progressivement consacrée dans ces principaux éléments au travers de la jurisprudence. A cet égard, le déficit fonctionnel permanent n’a qu’une valeur jurisprudentielle puisqu’il a été défini, par un arrêt de principe en date du 28 mai 2009 comme toute « atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales » (Cass. 2e civ., 28 mai 2009 n°08-16.829).
 
Par conséquent, ne sont pas pris en compte par principe :
 
  1. La consolidation de l’état de santé de la victime
 
La qualification du déficit fonctionnel permanent ne peut intervenir que postérieurement à la consolidation. Il faut savoir que la date de consolidation est définie comme le moment, où les lésions cessent d’évoluer pour prendre un caractère permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire sans pour autant que ce soit synonyme de guérison. Néanmoins, il convient de préciser qu’une consolidation du dommage n’empêche pas, la suite une aggravation de l’état de santé de la victime.
 
  1. L’évaluation du déficit fonctionnel permanent 
 
L’évaluation du déficit fonctionnel permanent est l’étape première vers une indemnisation du préjudice résultant de l’atteinte à l’intégrité corporelle. Cette évaluation est faite par un médecin expert (A.) selon des modalités particulières (B.). 
 
  1. L’évaluation du déficit fonctionnel permanent par un médecin expert
 
L’évaluation du déficit fonctionnel permanent suppose une expertise par une médecin-expert afin d’identifier le dommage corporel et de déterminer le moment de la consolidation, mais plus encore d’évaluer l’étendue du préjudice réel de la victime. Cette expertise se compose d’un examen de la victime afin de fournir un descriptif médical et technique du dommage corporel. Il convient de préciser que le déficit fonctionnel permanent est évalué par le médecin-expert par rapport à un taux effectif allant de 0% à 100%.  
 
L’expertise se fait sur demande de la victime, du responsable du dommage ou sur ordonnance du juge. Si l’expertise a été réalisée par le médecin-expert mandaté par la personne responsable du dommage, il est vivement recommandé à la victime de demander une contre-expertise. En effet, l’expertise médicale est un moment fort de l’évaluation du déficit fonctionnel permanent puisqu’en principe la victime est indemnisée en fonction du taux fixé par le médecin-expert et ce même s’il a été sous-évalué. Ainsi la victime pourra à nouveau être indemnisé qu’à la condition d’une aggravation de son état de santé par rapport à ce qui avait été constaté initialement (Cass. 2eciv., 17 janvier 2019, n°17-25629).
 
Il est bon de préciser que la victime peut être accompagné par son avocat tout au long de la procédure en reconnaissance du déficit fonctionnel permanent et ce y compris lors de l’expertise médicale.
 
  1. Le mode d’évaluation du déficit fonctionnel permanent
 
L’évaluation du déficit fonctionnel permanent n’est pas évidente, puisqu’il n’est pas aisé de déterminer les critères sur lesquels sont évalués les trois composantes de ce poste de préjudice. Souvent, pour déterminer ce préjudice, les médecins-experts font appel à l’application de barèmes d’évaluation de l’incapacité de droit commun généralement utilisés, pour calculer le taux d'AIPP (ou atteinte à l'intégrité physique et psychique). En France, deux barèmes médico-légaux se sont imposées à savoir celui du Concours médical dit également barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit commun et le barème d'évaluation médico-légale. L’utilisation de ces outils semble pertinente pour déterminer l’atteinte aux fonctions physiologiques des victimes. En revanche, des difficultés subsistent quant à l’évaluation des douleurs endurées par la victime et la perte générale de sa qualité de vie qui doivent également être prises en compte, pour évaluer le déficit fonctionnel permanent. Ces éléments sont appréciés subjectivement au cas par cas en fonction de la situation personnelle et familiale de la victime, de son âge et de la nature de ces lésions.
 
Ainsi, le déficit fonctionnel permanent est évalué en fonction du taux fixé par l’application du barème, auquel il convient d’ajouter une majoration résultant des souffrances endurées à titre permanent et de la perte de la qualité de vie.
 
Bon à savoir : Bien que la plupart du temps, le juge suit l’expertise du médecin pour indemniser le préjudice, il reste, néanmoins, souverain dans l’appréciation de ce taux et donc sur le montant des dommages-intérêts alloués.
 
  1. Le montant de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent
 
En théorie, l’indemnisation par le versement de dommages-intérêts vise à remettre la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l’accident n’était pas survenu. A cet effet, l’indemnisation varie en fonction de trois facteurs :
 
  • L’âge de la victime
  • Le taux retenu par le médecin expert
  • La jurisprudence du lieu du règlement du conflit
 
Les juges du fond n’ont cessé de rappeler que le déficit fonctionnel permanent est un tout qui ne peut, à cet égard, être indemnisé distinctement avec d’un côté l’atteinte objectif à l’intégrité physique et psychique et de l’autre les souffrances endurées de façon durable par la victime (Cass. 2e., 17 juin 2021 n° 19-15.065). Le juge détermine l’indemnisation par un calcul au point correspondant à la somme obtenue en multipliant le montant allouée en réparation du préjudice résultant de l’incapacité physiologie ou psychique par le taux d’incapacité.  Ainsi, la valeur du point augmente donc avec le taux d’invalidité et varie en fonction de l’âge de la victime. Plus la victime est jeune plus la valeur du point est élevée.
 
Exemple : Suite à un accident, le médecin-expert chiffre le déficit fonctionnel permanent d’une victime âgée de 6 ans à hauteur de 5%. Si la valeur du point est fixée à 1200€, le calcul pour déterminer le montant de l’indemnisation est le suivant : 5 X 1 200 = 6 000 €.
 
Il faut savoir que la valeur du point n’est pas fixe. Il est ainsi recommandé de se faire assister par un avocat, spécialisé en préjudice corporel, qui pourra éventuellement au regard des décisions de justices antérieures, négocier la valeur du point afin d’accroitre le montant de l’indemnisation.  Cependant, le choix de la valeur du point relève du pouvoir souverain du juge, qui n’a pas à s'expliquer sur celle qu'il retient (Cass. crim., 13 juin 2017, n° 15-84.845). Il convient également de préciser que la valeur du point doit être évaluée, à la date de la décision de la juridiction qui en fixe le montant, et non à la date de la consolidation de la victime.
 
Compte tenu de l’enjeu majeur résultant de l’évaluation et la détermination du déficit fonctionnel permanent dont les contours restent encore incertains, il est indispensable de s’entourer de professionnels spécialisés. Le Cabinet Zenou, expert en droit de la sécurité sociale à Paris 20e, vous conseille tout au long de la procédure en veillant notamment à ce que toutes les composantes du déficit fonctionnel permanent, soient prises en considération durant l’expertise médicale afin de garantir l’indemnisation la plus juste au regard de votre situation.

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