Fin des réductions de peine le changement d'une nouvelle loi

Fin des réductions de peine le changement d'une nouvelle loi
Le 27 juillet 2022, deux des participants du jeu polémique "Kohlantess", organisé dans la prison de Fresnes ont été condamnés pour un viol et un meurtre. Les deux criminelles ont pourtant été aperçus sur la vidéo publié par les organisateurs de l'évènement. Ceux-ci jouaient notamment au karting dans l’enceinte de la prison. La publication de cette vidéo à fait polémique le ministre de la Justice Éric Dupont Moretti a demandé le retrait sans délai de la vidéo. Nombreux sont les débats autour de la réinsertion et des conditions de vie dans les prisons françaises qui se sont ravivés. Et ce, non sans faire écho aux conséquences qu’entrainera la nouvelle réforme sur l’obtention de réduction de peine, intimement liées à toutes ces difficultés.
 
La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 a été adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat et promulguée par le Président de la République. Une des mesures phares de cette loi instituée par l’actuel ministre de la Justice est la suppression du crédit automatique de réduction de peine. En effet, cette mesure adoptée depuis le 22 décembre 2021 a pris effet depuis quelques jours.
 
Maître Johan Zenou expert en droit pénal vous décrypte ce que cette réforme change pour les condamné depuis le 01 janvier 2023. 
 
Afin de saisir les enjeux de cette nouvelle réforme, il est fondamental de comparer le système en vigueur avant le 01 janvier 2023 (I),  à celui depuis le 01 janvier 2023 (II).
 
I) Droit en vigueur jusqu’au 1er janvier 2023 : l’automaticité des réductions de peine par l’octroi des (CRP)
 
Le Code de procédure pénale en 2022 disposait de trois mesures principales de réduction de peine, les crédits de réduction de peine (CRP), les réductions supplémentaires de peine (RSP) et les réductions exceptionnelles de peine (REP).
 
Les crédits de réduction de peine (CRP) faisaient partie des formes de réduction de peine les plus souvent rencontrées et ce notamment en raison de leur automaticité . Depuis la loi du 9 mars 2004, dès sa condamnation, le condamné se voyait octroyer sous forme de crédits, des réduction de peine pour chaque condamnation. Cette réduction de peine est dite automatique du fait qu’elle ne nécessite aucune intervention du Juge de l’application des peines pour être accordée. Elles sont directement octroyées par le Greffe judiciaire pénitentiaire sous contrôle du Ministère public. Aucun comportement positif du condamné n’est exigé pour son octroi.
 
En revanche, un comportement négatif lui sera préjudiciable. En effet, bien que le Juge de l’application des peines n’intervenait pas pour l’octroi des CRP, ce dernier intervenait toutefois pour leur retrait. C’est en cas de mauvaise conduite que le condamné pouvait se voir retirer un crédit de réduction de peine, par le Juge de l’application des peines sur demande de l’établissement pénitentiaire ou du procureur de la République.
 
Bon à savoir : Les crédits de réduction de peine se calculait par quantum. Il était de trois mois pour la première année d’incarcération, puis de deux mois pour les années suivantes. Pour les peines inférieure à 1 ans, il était de sept jours par mois.
 
Exemple : Un détenu incarcéré avant le 01 janvier 2023, pour une durée de 24 mois de prison ferme, se verra octroyer automatiquement (sauf exception voir supra ) trois mois de réduction de peine automatique la première année puis 2 mois l’année suivante. Ce qui ramènera sa peine à un total de 19 mois de prison ferme.
 
L’intérêt principal des CRP jouait autant pour le condamné, que pour l’établissement pénitentiaire et les frais de la justice. En effet, les CRP encourageaient le détenu à éviter toute mauvaise conduite de peur de se voir retirer ses CRP, la sortie anticipée permettait en outre de désengorger les cellules de prison.
 
Il n’en demeure pas moins que la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire retient dans le nouvel article 721 du Code de procédure pénale une forme de réduction de peine au mérite et supprime toute réduction de peine dite automatique (II).
 

II) Droit en vigueur depuis le  1er janvier 2023 :  la suppression de l’automaticité des crédits de réduction de peine (CRP)
 
Le nouvel article 721 du Code de procédure pénale est entré en vigueur depuis le 1er janvier 2023. Il ne retient qu’une possibilité de réduction de peine, la réduction de peine au mérite. En effet, depuis janvier 2023 la réduction de peine peut être accordée par le juge de l'application des peines, après avis de la commission de l'application des peines, aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion.  

L’intervention du Juge de l’application des peines devient obligatoire l’automaticité d’octroi du crédit de réduction de peine est supprimée. La remise de peine ne peut être accordée que par le Juge de l’application des peines, après avis de la commission de l’application des peines (la CAP). En outre, la situation de chaque condamné devra être examinée au moins une fois par an comme en dispose l’alinéa 6 de l’article 721 du Code de procédure pénale.

Par ailleurs les preuves suffisantes de bonne conduite sont appréciées en tenant compte notamment de l'absence d'incidents en détention, du respect du règlement intérieur de l'établissement ou des instructions de service, de l'implication dans la vie quotidienne ou du comportement avec le personnel pénitentiaire ou exerçant à l'établissement, avec les autres personnes détenues et avec les personnes en mission ou en visite. Depuis le 01 janvier 2023, le détenu est donc contraint de justifier une fois par an auprès de la Juge d’application des peines les preuves de sa bonne conduite s’il veut espérer se voir octroyer une réduction de peine. Le crédit de réduction de peine n’est plus automatisé.
 
Rappel pénal : La réduction de peine est prononcée en une seule fois si l'incarcération est inférieure à une année et par fractions annuelles dans le cas contraire. Cette réduction de peine ne peut excéder six mois par année d'incarcération pour les peines supérieures à 1 ans. Le quantum étant ramené à quatorze jours par mois pour une durée d'incarcération inférieure à un an.
 
Exemple : Un détenu incarcéré après le 01 janvier 2023, pour une durée de 24 mois de prison ferme, pourra se voir octroyer entre 0 et 6 mois de réduction de peine après avoir saisi la commission de l’application des peines qui se réunira après 12 mois d’incarcération. De plus, dans l'année suivant son octroi, la réduction de peine peut être rapportée en tout ou en partie, après avis de la commission de l'application des peines, en cas de mauvaise conduite du condamné. Le retrait est prononcé par ordonnance motivée du juge de l'application des peines agissant d'office, sur saisine du chef d'établissement ou sur réquisitions du procureur de la République. Le condamné sera mis en mesure de faire valoir ses observations, le cas échéant par l'intermédiaire de son avocat.
 
Les réductions de peine depuis le 01 janvier 2023 sont plus compliquées à obtenir par l’exigence d’un comportement passif et actif du condamné. Le simple fait de ne pas causer de trouble et de bien se tenir n’entrainera plus à lui seul de réduction de peine. Depuis le 01 janvier 2023 il revient donc au condamné de se prendre en main et d’effectuer toutes les démarches nécessaires pour remplir le critère social et construire par sa bonne volonté sa réinsertion.
 
Conformément au VI de l’article 59 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, ces nouvelles dispositions d’obtention de réduction de peine, ne sont applicables qu’aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l'infraction. Les personnes placées sous écrou avant cette date demeurent donc soumises au régime de crédit de réduction de peine en vigueur avant le 01 janvier 2023.
 
Vous êtes condamné et vous ne parvenez pas à obtenir vos crédits de réduction de peine ? Le Cabinet d'avocat Zenou expert en droit pénal vous accompagne dans vos démarches.

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