Quels sont les droits attachés à la période d'essai ?

Quels sont les droits attachés à la période d'essai ?
Le régime juridique de la période d’essai a été introduit par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 qui est venue ajouter toute une section dans le Code du travail afin d’en délimiter les contours. La

période d’essai

est la période transitoire, de durée limitée, incluse dans le contrat de travail, qui précède l’engagement définitif. Durant cette période l’employeur et le salarié peuvent rompre librement la relation de travail sans avoir à se justifier. Cependant il existe certaines limites à la libre rupture de la période d’essai.
Les caractéristiques de la

période d’essai

Comme l’indique sa définition, la période d’essai fait partie intégrante du contrat. Ce n’est pas un avant-contrat comme l’est par exemple la promesse d’embauche. Pendant la période d’essai les parties sont liées juridiquement et il en découle des droits et des obligations. Mais c’est une période durant laquelle le droit de la rupture du contrat de travail ne s’applique pas. L’employeur, s’il ne souhaite pas poursuivre la relation avec le salarié n’a pas à licencier ce dernier, de même, le salarié n’a pas à démissionner s’il souhaite mettre fin à la relation de travail (article L.1231-1 du Code du travail). En revanche, toutes les autres règles attachées au contrat de travail s’applique durant la période d’essai.
Le but de la

période d’essai

Au regard de son régime dérogatoire, il est important de bien délimiter et définir la période d’essai. L’article L.1221-20 du Code du travail nous précise que « la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ». Cette période précède l’engagement définitif des parties. Deux remarques peuvent être faites :
  • Le but de la période d’essai étant d’évaluer les compétences du salarié, et de permettre au salarié d’apprécier le poste, elle n’a pas lieu d’être lorsque le salarié enchaine plusieurs contrats sur le même poste. La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt récent du 5 octobre 2016 (Cass. Soc. 5 oct. 2016 n°15-16.384) est venue rappeler le principe selon lequel si une période d’essai a déjà été effectuée dans le cadre d’un premier CDD, l’employeur ne peut en imposer une nouvelle lors du deuxième CDD successif si celui-ci concerne le même poste de travail, et ce car l’employeur a déjà eu l’occasion d’évaluer les compétences du salarié, et que ce dernier a déjà pu apprécier les conditions de travail au cours de la première période d’essai. Si l’employeur, à l’occasion d’un deuxième CDD successif prévoit tout de même une période d’essai, le salarié peut toujours la refuser. Dans tous les cas si l’employeur met fin au contrat durant cette seconde période d’essai, la rupture s’analysera en un licenciement.
  • La période d’essai se situe nécessairement au début de la relation de travail, c’est-à-dire que si le salarié a déjà commencé à exécuter sa prestation, sans qu’une période d’essai ait été convenue, l’employeur ne peut pas, par la suite, lui imposer une période d’essai. Il faut alors distinguer la période d’essai de la période probatoire qui a pour objet de tester le salarié au cours de l’exécution de son contrat de travail lorsqu’il change de fonctions. Si le salarié échoue dans ses nouvelles fonctions durant la période probatoire, le contrat de travail n’est pas rompu mais le salarié devra être replacé dans ses fonctions antérieures.
 
La durée de la

période d’essai

La période d’essai doit être d’une durée suffisante pour permettre aux parties d’apprécier leurs futures conditions de travail, cependant elle ne doit pas être trop longue car c’est une période d’incertitude et qui maintien le salarié dans la précarité. C’est pourquoi le Code du travail encadre strictement la durée de la période d’essai.
La durée initiale de la

période d’essai

Le Code du travail, dans son article L.1221-19 limite la durée initiale de la période d’essai :
  • Pour les contrats à durée indéterminée : deux mois pour les ouvriers et les employés, trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et quatre mois pour les cadres.
    Les parties ou la convention collective applicable ne peuvent pas prévoir de durée plus longue, sauf si les durées plus longues sont fixées par un accord de branche conclu avant la publication de la loi du 25 juin 2008. Par contre, une durée réduite peut toujours être prévue, et ce car elle est alors favorable au salarié.
  • Pour les contrats à durée déterminée : 1 jour par semaine de travail prévu, dans la limite de deux semaines, lorsque la durée du contrat est inférieure ou égale à 6 mois, et la durée de l’essai est de 1 mois si le contrat est prévu pour une durée supérieure à 6 mois. Si le contrat n’a pas de terme précis, la période d’essai est calculée par rapport à la durée minimale du contrat (Article L.1242-10 du Code du travail). La durée de l’essai peut également varier selon qu’il s’agisse d’un contrat de mission, d’un contrat d’apprentissage, ou encore d’un contrat saisonnier etc...

Le point de départ de la période d’essai se situe au commencement de l’exécution du contrat de travail, et ce même si le salarié n’exécute encore aucune tâche correspondant au poste pour lequel il a été recruté. Par exemple si au début du contrat de travail le salarié doit effectuer une formation, la durée de la formation sera prise en compte et réduite de la durée de la période d’essai.

Compte tenu du régime dérogatoire concernant sa rupture, il est important de bien décompter la période d’essai pour vérifier que la rupture intervient bien avant son terme. La période d’essai prend fin le dernier jour à minuit.
  • Lorsque la période d’essai est exprimée en jours, elle se décompte en jours calendaires sans distinguer les jours travaillés des jours non travaillés. Par exemple si le contrat commence à être exécuté le lundi 1e , et que la période d’essai est de 8 jours, cette dernière prend fin le 8 à minuit. Et ce même si le salarié n’a pas travaillé chaque jour durant cette période.
  • Lorsqu'elle est exprimée en semaine, elle se décompte en semaine civile de 7 jours. Par exemple si le contrat commence à être exécuté le mardi 2, et que la période d’essai est de deux semaines, elle se termine le lundi 15 à minuit, car après une nouvelle semaine commence.
  • Lorsqu’elle est exprimée en mois, elle se décompte en mois civils et expire le dernier jour du mois à minuit. Par exemple si la période d'essai est de 1 mois et qu’elle commence le 5 mai, elle expire le 4 juin à minuit, car le 5 juin un nouveau mois civil commence.

Si le dernier jour de la période d’essai tombe un dimanche, ou un jour férié, celui-ci n’est pas reporté pour autant et reste le même.
Le renouvellement de la

période d’essai

Le Code du travail prévoit la possibilité de

renouveler la période d’essai

, mais ce renouvellement doit répondre à de strictes conditions qui sont cumulatives. L’article L.1221-21 du Code du travail prévoit que la période
d’essai ne peut être renouvelée qu’une fois et qu’un accord de branche étendu doit le prévoir.
Ce renouvellement doit également être prévu, tout comme la période d’essai, par le contrat de travail ou dans la lettre d’engagement. En effet la période d’essai ainsi que son renouvellement ne se présument pas (article L.1221-23 Code du travail). La Cour de cassation a également ajouté une condition pour la validité du renouvellement de la période d’essai : ce renouvellement doit être accepté expressément par le salarié (Cass. Soc. 12 juillet 2010 n°09-41.875). L’acceptation par le salarié doit se faire avant l’expiration de la période d’essai initiale et ce dernier ne peut pas donner son accord par avance au renouvellement. L’accord doit être donné au moment du renouvellement et être clair et non équivoque.

Au total la durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser pour un contrat à durée indéterminée, quatre mois pour les ouvriers et employés, six mois pour les agents de maîtrise et techniciens, et huit mois pour les cadres. Ces durées s’imposent et ne peuvent pas être plus longues.
La prolongation de la

période d’essai

La prolongation de la période d’essai est possible et se distingue du renouvellement. Ici il s’agit d’un simple report du terme de l’essai, lorsque la période d’essai a été suspendue. C’est par exemple le cas si le salarié a été en congé maladie durant l’essai, ou si l’entreprise était fermée pour congés annuels, etc… La durée initiale de la période d’essai est alors prolongée automatiquement d’une durée égale à la période de suspension. L’accord du salarié n’est ici pas nécessaire. Le terme de la période d’essai est ainsi reporté, pour autant l’employeur ou le salarié n’ont pas à attendre la fin de la prolongation pour rompre le contrat de travail car le régime de la période d’essai reste inchangé en cas de prolongation.
La fin de la

période d’essai

La période d’essai prend fin, soit car elle arrive à son terme, le contrat de travail devient alors définitif, soit par la rupture de la relation contractuelle en cours d’essai. L’employeur et le salarié sont libres de rompre l’essai, mais la rupture ne doit pas être abusive et respecter certaines exigences.
Les conditions à respecter pour rompre l’essai
Tout d’abord la rupture doit, bien sûr, intervenir durant l’essai. Si elle intervient après le régime dérogatoire de la période d’essai ne s’applique pas, il s’agira alors d’un licenciement ou d’une démission. La rupture de la période d’essai n’est soumise en principe à aucune procédure particulière, elle peut être verbale. Cependant il est conseillé de rompre l’essai par un écrit afin de se ménager la preuve de la rupture, et notamment de la date de rupture qui peut avoir des conséquences importantes. L’envoi d’une lettre en recommandé par accusé de réception est conseillé car cela permet d’avoir une date certaine de rupture.

La rupture n’a pas à être justifiée. Cependant, si l’employeur invoque dans la lettre un motif disciplinaire à l’origine de la rupture, il devra alors respecter toute la procédure disciplinaire s’y attachant, sous peine d’être sanctionné. Il devra donc convoquer le salarié à un entretien préalable, puis notifier la sanction dans les conditions prévues par le Code du travail. Cependant la rupture ne s’analysera pas pour autant en un licenciement. Si l’employeur rompt le contrat en invoquant un motif disciplinaire mais ne respecte pas la procédure, le salarié aura droit à des dommages et intérêts.

La partie qui souhaite rompre l’essai doit respecter un délai de prévenance. Le délai de prévenance varie selon la partie à l’origine de la rupture.
  • Si c’est l’employeur qui est à l’origine de la rupture, le délai est de 24 heures lorsque la présence du salarié dans l’entreprise est inférieure à 8 jours, de 48 heures lorsque la présence du salarié est de 8 jours à un mois, de deux semaines lorsque la présence est supérieure à 1 mois et inférieure à 3 mois, et enfin le délai de prévenance est de 1 mois lorsque la présence du salarié dans l’entreprise est supérieure à 3 mois. Si le délai de prévenance n’est pas respecté par l’employeur, le salarié aura droit à une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages qu’il aurait perçus s’il avait travaillé jusqu’à l’expiration de ce délai (Article L.1221-25 du Code du travail).
  • Si c’est le salarié qui est à l’origine de la rupture de l’essai, le délai est de 24 heures si sa présence dans l’entreprise est inférieure à 8 jours, et de 48 heures lorsqu’il est présent dans l’entreprise depuis plus de 8 jours (Article L.1221-26 du Code du travail). Le salarié doit lui aussi respecter vigoureusement ces délais, sous peine de devoir indemniser l’employeur pour le préjudice subi par lui du fait de la rupture précipitée du contrat de travail.
Les limites à la liberté de rupture unilatérale de l’essai

En premier lieu, la rupture ne doit pas être abusive. La rupture est considérée comme abusive dans deux cas :

  • Lorsqu’elle est sans rapport avec le but de l’essai, c’est-à- dire que la rupture n’est pas due aux aptitudes du salarié à exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté ;
  • Lorsque l’employeur a agi avec « légèreté blâmable », c’est-à- dire si la rupture a eu lieu dans des circonstances humiliantes pour le salarié, ou si la rupture intervient si tôt que le salarié n’a pas eu le temps de faire ses preuves par exemple (même si le fait que la rupture intervienne au début de la période d’essai n’est pas toujours constitutif d’un abus), etc…
 

La charge de la preuve de la rupture abusive incombe au salarié. En cas d’abus avéré, le salarié aura droit à des dommages et intérêts, mais ne pourra pas exiger le maintien du contrat de travail.

Ensuite, la rupture ne doit pas être discriminatoire. L’article L.1132-1 du Code du travail qui prohibe les discriminations s’applique à la période d’essai (Cass. Soc. 16 février 2005 n°02-43.402). Le salarié a droit, en cas de rupture discriminatoire de l’essai, à des dommages et intérêts d’un montant de minimum 6 mois de salaire, mais l’employeur n’a pas à poursuivre le contrat de travail de manière définitive.

Pour conclure, la période d’essai doit être prévue, à défaut l’employeur ne pourra se prévaloir de son régime dérogatoire en cas de rupture. La période d’essai doit également respecter les conditions évoquées pour sa mise en œuvre et pour sa rupture. Si l’employeur ne respecte pas l’une des conditions, le salarié pourra exiger des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Si vous êtes confronté à une rupture abusive, discriminatoire, ou bien intervenue après le terme de la période d’essai, vous devez-être indemnisé. De même si votre employeur vous a imposé une période d’essai ou son renouvellement dans le seul but de rompre votre contrat de travail sans avoir à respecter la procédure de licenciement. Le Cabinet ZENOU est alors présent pour vous accompagner dans les démarches contre votre ancien employeur.

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